« Vous êtes sûrs de vous frère Gatien ?
-Je le suis, maître Bélial.
-Et vous, frère chapelain, vos informations vous paraissent-elles fiables ?
-Je peux vous certifier que les révélations qui m’ont été faites étaient sincères et qu’elles recoupaient les informations de mes agents infiltrés. Cela ne veut pas dire pour autant que cela soit la vérité. Le mensonge et la duperie sont devenus les armes de nos frères déchus. »
Le maître de la troisième compagnie regarda son homologue. Le capitaine Barnard posa un grimoire des archives d’Adelphe III sur la table et marcha vers les vitraux holographiques du strategium. Bélial le suivit du regard et s’exprima de nouveau :
« Fort bien. Astérios a reçu des aveux menant à la cache de nos frères déchus, en plein centre de la cité ruche de Flavia, dans les bas niveaux. C’est un vrai coupe-gorge et un terrain adéquat pour une guérilla redoutable. Nous avons regroupé les forces de défense planétaire ainsi que les arbites pour isoler Flavia, créant ainsi un blocus. Ils formeront un premier cercle, un second cercle de la troisième et quatrième compagnie composée d’astartes non encore initiés à notre quête, empêchera que quiconque ne passe dans un sens comme dans l’autre. Enfin, la tâche d’aller chercher nos frères déchus me revient, accompagné entre autre de la Deathwing. Par contre Barnard, je ne veux pas de Mariel à mes cotés. C’est un très bon combattant et je sais que de toutes façons vous aviez prévu de lui effacer la mémoire après notre campagne mais je ne le veux pas avec moi. Il n’est pas assez fort. Si Séverian avait été là, il aurait été capable de l’exécuter sur le champ.
-Il ne mérite pas ça mais j’en prends note. Séverian n’est pas capitaine et ne dirige pas les opérations. Nous avons besoin d’un maximum d’astartes dans le secret et j’assume ma décision. Il m’accompagnera donc aux ruines d’Axia.
-Vous êtes décidé à y aller ? Nous gagnerions à unir tous nos effectifs, je le maintien.
-Nous étions d’accord pour suspecter les forces de la ruine et cela se confirme. Nous arrivons vraisemblablement au dénouement de notre campagne. On ne peut risquer d’être pris à revers par une incursion démoniaque majeure que nous n’aurions pas les moyens d’endiguer. J’irai là-bas accompagné de Gatien et de quelques autres dont Mariel. Nos scouts ne peuvent se rendre sur place à cause des radiations. »
Le capitaine de la quatrième compagnie continuait à regarder les images de désolations d’Axia sur les vitraux. Le chapelain Abraxas voulu en savoir plus.
« Maître Barnard, vous semblez préoccupé. Ces mises aux points ne nécessitaient pas cette réunion, nous perdons un temps précieux et devrions nous lancer à l’assaut sans plus tarder, si vous me permettez.
-C’est exact, il y a autre chose. Je pense avoir trouvé le lien. Je pense savoir qui est notre adversaire. » Les yeux de Bélial brillèrent.
« J’ai fait des recherches dans nos archives de chapitre et celles d’Adelphe dès notre retour sur cette planète. Je ne crois pas aux coïncidences et la présence d’autant de déchus à cet endroit où nous avons déjà œuvré n’est pas un hasard. La chance a voulu que je retrouve des traces témoignant de certaines légendes qui parlaient des temps où l’Empereur marchait à nos cotés.
Cherchant dans nos propres archives, j’ai découvert que c’était la première légion qui avait libéré Adelphe III lors de la grande croisade, bien avant le Lion. Le capitaine en charge était Athias Séverin. Je pense qu’il est de retour sur les premiers lieux de sa gloire mais surtout qu’il a une connaissance de l’endroit et qu’il a choisi le terrain de notre rencontre.
-Séverin… Le problème reste ses objectifs qui ne sont pas définis mais si c’est vraiment lui et que tout ce qui s’est passé depuis au minimum trente ans est de son fait alors rien n’est certain. Comme il ne s’est pas encore manifesté, il est probable qu’il tente de nous piéger mais de là à frayer avec le chaos.
-C’est aussi pour ça que j’irai à Axia. Nous ne pouvons laisser passer notre chance mais il va falloir assurer nos arrières. Il y a plus de dix-mille ans, la première légion dut combattre des xénos encore inconnus jusqu’à lors. Il est fait mention de problèmes d’infiltration et d’attaques subversives lors de la campagne mais sans plus de détails. Il est déjà miraculeux d’avoir eu accès à ces informations.
La seule conclusion que je puis en tirer c’est qu’il faut s’attendre à ce que l’ennemi étale son jeu lors de notre prochaine action. Notre statut de chasseur n’est plus assuré.
-Que proposez-vous ? »
*
« Préparez-vous, nous allons bientôt partir. »
Le ton d’Anhiel ne laissait rien cacher quant à la rancœur qu’il éprouvait envers Martinien pour l’avoir assommé lors du rapt d’Erell. Il avait faillit à sa mission, était toujours en vie et son compagnon Viviel lui ne l’était plus. La blessure faite à son honneur ne pouvait se résorber simplement. Malgré tout, il avait été l’élite de ce que l’humanité avait pu générer comme soldat, aussi obéissait-il aux ordres de Séverin sans discuter. Martinien pensait être différent.
« Partir pour où ?
-Nous partons pour les ruines d’Axia. La fille vient et vous êtes « invité » à en faire de même.
-Ce site est extrêmement dangereux ! Il est hors de question qu’Erell aille là-bas. Où est Séverin ?
-Le grand-maître est retenu ailleurs, il a des choses importantes à gérer. Quant à votre refus, il est hors de propos. Vous n’avez pas le choix. Mon maître voudrait vous convaincre de nous rejoindre. Pour ma part, j’estime que c’est une erreur. Même déserteur, on ne peut faire confiance à l’engeance de Jonson ! Faites-moi le plaisir de me dire non… » La provocation était lancée stupide et gonflée de testostérones mais malgré tout efficace. Martinien ne tomba pas dans le piège mais évalua tout de même la situation s’il devait tenter une fuite en force. Anhiel n’était pas de la trempe de Viviel et le maîtriser devait être possible mais il était accompagné d’astartes et d’agents humains. C’était trop pour Martinien.
Le fait qu’ils avaient besoin d’Erell à Axia donna une intuition funeste à Martinien. Le faux prétexte d’un lien de parenté avec le complice de Séverin n’aurait pas fait long feu.
« Votre attachement à cette femme est pitoyable ! Des enjeux sans précédent sont en train de se jouer. Le grand-maître daigne vous donner l’opportunité d’y participer malgré vos faiblesses de soldat et vous tergiversez !
-Comme il y a peu de ce que j’étais à ce que je suis, je ne m’attends pas à ce que vous compreniez. Une vie telle que la sienne à autant d’importance que la notre, si ce n’est plus.
-Tout dépend du rôle qu’elle aura à jouer. Son importance fait que nous l’avons gardée et protégée ici. A présent elle pourra enfin être utile à une cause plus grande qu’elle-même : à l’Empereur ! Et vous, si vous voulez rester seul et ne pas nous rejoindre dans notre quête, continuez ainsi. »
Martinien fixa le déchu dans les yeux. L’idée de se retrouver coupé de ses frères le hantait, c’était vrai. Il pensa qu’il n’était pas sûr du sort réservé à Erell et qu’en l’état actuel des choses il valait mieux attendre une meilleure occasion. Ne pas tout gâcher.
« Nous arrivons. Attendez-nous dehors. » Finit-il par dire.
Anhiel devint rouge et faillit éclater devant l’affront mais préféra s’exécuter. Une fois la porte fermée, Martinien voulu aller rejoindre Erell dans la chambre pour lui parler mais ses sens aiguisés lui renvoyèrent des sanglots étouffés. Il resta figé, regardant le sol. Elle restait une femme humaine malgré son courage et lui restait une machine à tuer malgré ses sentiments.
*