Flavia
Une cité ruche est le résultat d’une logique sociale et systémique alambiquée, devenue tellement complexe avec le temps que personne ne peut prétendre la contrôler. On peut y avoir une influence plus ou moins forte tout en restant soumis à son mécanisme. De tout temps, l’humanité a donné naissance à des systèmes sociaux pour vivre en communauté et immanquablement, ces derniers vieillirent mal. Souvent naissants plus par la volonté d’une minorité que de celle du peuple, ils viennent au monde, imparfaits, avec des écarts entre les classes qui se creusent inexorablement. Les nantis se perdant à conserver leurs privilèges sur le dos d’une masse exploitée, on glisse vers une oligarchie naturelle. Tels des organismes qui ne servent plus autant l’homme que l’homme ne les sert, ces systèmes s’aménagent des nids monstrueux prenant la forme de cités ruche. A plus grande échelle, l’Impérium suit la même logique.
La cité de Flavia comportait des similitudes avec ses homonymes d’autres planètes comme Nécromunda et à l’identique de cette dernière, il y avait la notion de Sous-monde.
Un Sous-Monde et son organisation est au-delà des lois dictées par les Maisons nobles et la ruche. Profonde de plus d’un kilomètre, sa zone n’est jamais parfaitement définie. C’est un chaos surpeuplé et pourtant abandonné. On y vient pour se cacher ou faire sa fortune. Y naitre est une malédiction.
Une ruche est toujours d’une taille extravagante et il en était de même sur Adelphe III. Les couches superposées de plasbéton en forme de dômes abritaient l’équivalent d’un département avec ses villes, ses reliefs artificiels de ruines désaffectées et de bâtiments insalubres. Des lacs corrosifs et pollués amenaient une variation visuelle sans réconfort. Hormis pour les niveaux supérieurs, le ciel était devenu une légende pour les autochtones les plus désœuvrés. Malgré des conditions dures et une géographie martyrisée, des villes dans la cité existaient et dans une certaine mesure prospéraient littéralement. C’est-à-dire que l’idée ou le concept prospérait mais pas les individus. Les usines d’extraction des ressources se trouvaient souvent dans les bas niveaux, ce qui créait de l’emploi, des intérêts et donc des conflits.
Le chapelain Astérios avait obtenu de ses victimes l’emplacement des déchus dans le Sous-monde de Flavia : Ortonius.
La ville comptoir d’Ortonius n’était pas très large, à peine 500 mètres, bordée à l’est par une muraille de filtrage gazeux qui faisait office de falaise surplombant le port du lac Pyros. A l’ouest, un accident catastrophique d’une usine chimique de la maison Ozoft avait créé un véritable ravin. L’approche des lieux ne pouvait se faire que par le sud. Une attaque ou un largage orbital était inenvisageable de par les dômes surplombant l’ensemble. Des frappes par téléportation ne pouvaient s’effectuer qu’à l’aide de balises soigneusement disposées à cause de la densité urbaine et des variations énergétiques de ces milieux. Les maisons en bétons renforcés et en métaux lourds offraient une formidable résistance. Dans les quartiers les plus anciens se dressait l’ancienne techno-église Paule alors désaffectée. Elle était entourée de vieilles demeures de deux ou trois étages dont le rez-de-chaussée n’était souvent qu’une seule grande pièce sans fenêtre donnant sur des rues pavées, étroites et sombres. Un système de passages souterrains reliait les différentes demeures par des caves, datant de la catastrophe chimique. Cela avait permis aux habitants de se déplacer sans s’exposer aux retombées toxiques. Au sud, les maisons plus modernes et les entrepôts étaient disposés en quadrilatères réguliers, mais les rues étaient si étroites que les immeubles, la plupart de quatre étages, se touchaient presque. La cathédrale Clémence pouvait être aperçue au sud-est, relativement bien conservée mais n’abritant plus aucun ecclésiastique depuis longtemps. Il n’y avait que deux ou trois avenues assez larges pour permettre le passage de blindés, ce qui laissait peu de choix aux attaquants. La difficulté pour acheminer les chars à ces niveaux n’était pas la seule raison pour laquelle un pilonnage brutal mais économique en vies ne fut pas envisagé. Avant toutes choses, la priorité des Dark-Angels était la récupération des déchus pour pouvoir sauver leurs âmes et par la même permettre au chapitre de s’absoudre de ses pêchés. De plus, même avec leur approche militaire accordant peu de concessions, les fils du Lion savaient qu’à ce niveau de la ruche, une telle attaque aurait profondément heurté l’opinion et aurait suscité des révoltes qu’ils ne pouvaient s’offrir le luxe de mater en parallèle. La nécessité d’aller débusquer les traitres sur place était incontournable.
La guerre urbaine, même pour des astartes, restait une des pires configurations de batailles possibles et la principale source de problèmes pour un stratège. Malheureusement, les villes étaient devenues le champ de bataille le plus courant depuis longtemps. Elles abritaient des populations, des centres de transports, des sièges administratifs, des sources de richesses, des complexes industriels, des réseaux d’information, des nœuds vitaux de communication…etc. De plus, c’était en milieu urbain que se trouvaient le plus souvent les idées radicales, que les dissidents trouvaient leurs alliés et que les mélanges raciaux provoquaient des frictions ethniques. Le tout attirant avidement l’attention des médias qui, même s’ils étaient tenus au silence par les autorités impériales, ne pouvaient être totalement muselés.
La seule réalité d’un combat urbain était que cela impliquait des opérations d’infanteries très éprouvantes physiquement et psychologiquement. La nature même des astartes et leur équipement leur permettaient de faire une différence déterminante dans la majorité des cas sauf quand ils étaient confrontés à leurs semblables. Vétéran de nombreuses campagnes du même genre, le chapelain Abraxas de la troisième compagnie allait mener les opérations sur Ortonius. Maître Bélial et la Deathwing seraient en attente de téléportation pour venir capturer les déchus et repartir rapidement. L’impératif de garder ces renégats hors de vue du monde et même de certains Dark-Angels ajoutait aux difficultés.
L’assaut fut lancé fort d’un effectif d’une cinquantaine de Dark-Angels et d’une vingtaine de scouts contre un nombre d’ennemis humains et space-marines inconnu.
Erell n’avait pas dit un mot depuis l’appartement et avait suivi sans résistance les serviteurs de Séverin. Martinien ne l’avait pas quitté mais n’avait rien osé dire non plus. Leurs regards ne s’étaient pas croisés durant les deux heures et quart du voyage. Embarqués dans un transport du méchanicum, ils avaient volé en rase-motte à travers les plaines, les montagnes puis le désert radioactif menant à Axia. Anhiel était avec eux et ne quitta pas Martinien du regard, lui faisant comprendre à quel point sa présence lui coutait. Ce dernier s’en fichait éperdument et avait une difficulté particulière à mettre de l’ordre dans ses pensées. Un mal de crâne insidieux l’accompagnait maintenant depuis plusieurs jours. Il bouclait sur son avenir, ne sachant pas quoi faire. Les vérités qu’il avait découvertes sur ses frères l’avaient profondément blessé. Il aurait donné sa vie au chapitre, il aurait été prêt à tout pour lui. Son ambition à commander n’avait pas été éconduite à cause d’un manque de compétences mais pour garder cacher un secret honteux. Un secret qui transformait peu à peu les descendants de la première légion en traitres à l’humanité.
Le paysage hypnotique défilait monotone. Lorsqu’enfin ils arrivèrent au-dessus des ruines, Martinien réalisa qu’il était près de l’endroit où Lucie avait été tuée. Cela le réveilla et lui fit observer plus avant la désolation des lieux. Le ciel était encore chargé de la poussière mortelle soulevée lors du bombardement. Voyant ce spectacle de destruction, le fils du Lion se rappela tous les théâtres de campagnes et les champs de batailles sur lesquels il avait combattu tel un automate. Jamais il n’avait considéré ces lieux comme des cadres de vie. A aucun moment, il n’avait réfléchi à « l’avant » d’une scène de carnage. Une mélancolie malsaine s’entremêlant avec une culpabilité acide, Martinien ne put détacher son regard du hublot jusqu’à ce que l’appareil ne stationne près d’un puits de trois cent mètres de diamètre. La navette plongea dans l’obscurité les projecteurs allumés, collant les passagers à leurs sièges. La descente fut longue. Erell agrippa le bras de Martinien, l’inquiétude prenant le pas sur l’amertume. Ce dernier la regarda penaud quelques secondes et détourna le regard feignant l’indifférence plutôt que de se montrer compatissant. On voyait que des passages avaient été aménagés tant bien que mal au travers des éboulis mais même ainsi, il fallut plus d’une heure pour que le vaisseau n’arrive enfin à destination. Une plate-forme, elle-aussi installée post-destruction, permis d’atterrir sans encombre. Un sas télescopique vint s’arrimer pour protéger les passagers des radiations. Les marines se levèrent, mirent leurs casques et enjoignirent Martinien de faire de même. Séverin l’avait autorisé à porter l’épée et l’armure de Nemiel ce qui n’aida pas à ce qu’Anhiel vive mieux la situation. On donna à Erell une combinaison de qualité pour qu’elle puisse elle-même se protéger.
« En avant. On en a pour un moment à marcher. » En effet, cela dura deux heures de plus. Ils empruntèrent des passages de toutes tailles. Parfois il fallu que les Astartes se baissent tant le boyau devenait étroit, parfois ils passaient dans les dômes immenses du Sous-monde qui avaient été balayés de l’intérieur par le souffle sans pour autant s’effondrer. En marchant, Martinien remarqua les temples dédiés aux puissances de la ruine qui avaient été détruits, sans doute érigés par les mignons de Praxius. Il cru voir ici et là des restes d’armures énergétiques. Ils continuèrent à marcher descendant toujours plus profond, utilisant parfois des monte-charges qui avaient été installés, sans doute pour acheminer du matériel. Les travaux d’aménagement avaient été énormes et les moyens investis considérables. Ils arrivèrent à un changement de décors et Martinien reconnut une signature non-humaine. Le sol était atypique car en cuve, non plat. Voyant sa surprise, Anhiel lança :
« Les xénos que nous avons du déloger, il y a dix mille ans, n’avaient pas de jambes mais étaient rampants. Toute leur architecture était influencée par cette morphologie sauf pour les ghettos humains qu’ils avaient construits. Par exemple, il n’y avait pas d’escaliers mais uniquement les pylônes autour desquels ils s’enroulaient pour monter ou descendre des étages. Cela dit, on n’a pas eu de gros soucis là-dessus, ils n’avaient pas beaucoup de structures en surface et préféraient vivre sous terre. Ils craignaient la lumière et les radiations solaires. Ils déléguaient à leurs esclaves la gestion des ressources en plein air. C’est en partie pour ça qu’ils en avaient besoin d’ailleurs. Martinien en profita pour essayer de discuter un peu, histoire d’en savoir plus.
-Ils devaient bien exercer une influence d’une manière ou d’une autre. On ne laisse pas des esclaves sans surveillance.
-En effet et vous verrez bientôt. Ce fut une des spécificités qui fit que cette campagne avait été particulièrement épineuse. Je ne parle même pas des combats en sous-sols. Martinien devint songeur.
-Ca devait être une époque extraordinaire.
-Oui… Oui, assurément.
-Avez-vous déjà vu l’Empereur ?
-En vérité ce fut de très loin. J’ai rejoint la légion deux campagnes avant qu’il ne se retire régulièrement vers d’autres occupations comme intégrer ses fils à l’Impérium. Cela dit, il n’y avait pas besoin de le voir pour sentir sa présence sur un champ de bataille. C’est comme si on nous avait permis d’être des dieux puis condamnés à des vies de mortels comme une disgrâce ou une punition. On nous a prit notre sang et notre foi. » Anhiel regarda Martinien d’une façon que ce dernier ne put déchiffrer à cause du casque. Il faillit parler mais se rendit compte qu’il n’obtiendrait plus rien pour l’instant. Le reste de la marche se fit en silence. Tout à ses considérations sur l’époque de légende, Martinien réalisa un peu tard qu’il avait de nouveau oublié Erell qui marchait à ses cotés, se forçant à ne pas trembler et rester digne. Le Dark-Angel réalisa que son approche de guerrier et d’astartes voué à se battre ne pouvait être la même pour elle dont le seul horizon n’avait jamais été que de danser devant des yeux vitreux. Elle était fragile et bien mal adaptée à la vie dans cet univers. Assez pitoyable en fait.
L’architecture xénos était déroutante mais son expérience lui permis de voir l’influence religieuse et magique de cette race. Il était évident qu’elle côtoyait l’ésotérisme. Les décorations et bas-reliefs n’auraient pas suffit à amener cette conclusion mais on pouvait encore distinguer des commutateurs et autres instruments d’intérêts pratiques, manufacturés suivant une symbolique qui n’avait rien de technique. Un dernier sas se présenta à eux et ils purent retirer leurs protections. Les armures durent être nettoyées des radiations dans lesquelles elles avaient baignées. Anhiel les conduisit enfin, dans une grande salle réhabilitée par des équipes de techno-prêtres qui s’affairaient à faire fonctionner un enchevêtrement de mécanismes bizarroïdes. Séverin, le juriste Télias et les officiels renégats les attendaient. Le grand maître accueillit chaleureusement Martinien.
« Soit le bienvenu mon frère. Voici le lieu où l’Histoire va changer.
-Bonjour maître Séverin. Désolé de ne pas partager votre enthousiasme mais le voyage a été quelque peu tendu. Il regarda Anhiel qui lui rendit un sourire mauvais. Séverin rit un court instant.
-Bien sûr mais cela changera. »
Un techmarine vint prêt d’Erell et l’obligea doucement à l’accompagner dans une salle annexe. Martinien s’interposa.
« Ca suffit et vous, ne bougez pas. Il va me falloir des explications Séverin. D’un geste le maître des déchus calma ses acolytes.
-Vous avez raison Martinien. L’heure n’est plus aux faux-semblants. » Il dégaina son pistolet à plasma. Il le regarda dans les yeux puis se retourna et abattit sans préambule tous ses complices à l’exception de Télias qui sursauta tout de même devant ce spectacle. Le grand-maître remis son arme encore fumante dans son holster et se dirigea vers une ouverture au fond de la salle.
« Venez Martinien. Laissez notre frère techmarine s’occuper de votre amie, il en prendra grand soin.
-Vous ne m’avez pas convaincu pour autant en abattant ces traitres à l’Impérium. Que voulez-vous faire ?
-Vous permettre de devenir capitaine d’une compagnie des Dark-Angels !
-Comment ?!
-Laissez-la, Martinien et embrassez votre destin. Il est temps de croire en moi. Elle est ici pour libérer les âmes d’Axia. Le fils du Lion resta figé un instant. Il pensa immédiatement à Lucie et son mal de crâne s’accentua, le sang lui cognant aux tempes.
-De quoi parlez-vous donc ?
-Suivez-moi tous les deux. »
« C’est une sorte de cuve en plus compliqué. » Martinien sortit de sa torpeur. Il devait rester concentré. Toute cette salle puait l’Immatérium. Le grand-maître reprit.
« Lors de la campagne qui avait conduit à libérer cette planète, nos savants découvrirent quelque chose de terrible. Il faut savoir qu’il n’y avait pas beaucoup de vies sur cette planète et les xénos n’y étaient pas apparu naturellement. Ils étaient venus s’y installer et avaient asservi les hommes sur place lors de l’ère des luttes. Dans la mesure où ils étaient vulnérables à la vie à l’extérieur, il devint assez vite évident qu’ils étaient venus pour les membres de l’humanité vivant ici. Les matières premières couramment usitées par l’Impérium n’avaient que peu d’intérêt pour eux.
Pour être bref, ces xénos n’étaient pas tant un peuple qu’une secte et nous découvrîmes qu’ils voulaient offrir un sacrifice à leurs dieux. A l’époque nous primes ça pour une folie et du folklore sans voir l’implication réelle dans le Warp. Nous apprîmes plus tard en rencontrant d’autres gens de cette espèce que ceux d’Adelphe III avaient été bannis par les leurs et étaient venus se réfugier ici. Je n’ai compris le rapport aux forces du chaos qu’après la chute de Caliban et mon exil. » Séverin marcha tranquillement, faisant le tour de l’édifice et regarda son sommet. Le juriste Télias ne semblait plus du tout terrifié mais intrigué et écoutait avidement le récit. Intérieurement, le seigneur sorcier Noss jubilait de voir son pion user du même stratagème que lui pour rallier le Dark-angel.
« Comme toute cérémonie, le processus devait suivre une logique et des rites précis. Le sacrifice d’âmes qu’ils voulaient offrir à leurs dieux devait être exceptionnel et comme la maîtrise des énergies du Warp était leur, ils fabriquèrent ce container qu’ils emplirent patiemment et consciencieusement avec les générations d’humains de cette planète. Après notre conquête, les adeptes des machines n’y virent qu’une grosse cuve à énergie. Ils entreprirent de l’étudier mais sans grand succès. De plus, de part les décrets visant à limiter les activités psychiques, la zone fut mise à l’isolement assez vite.
-Vous êtes en train de me dire que les âmes des citoyens d’Axia sont là-dedans en plus de ceux des premiers habitants de la planète ?
-C’est cela même et votre amie en est la clef. Normalement cette machine devait servir à sacrifier assez d’âmes en même temps pour créer une faille warp considérable. Je serais incapable de dire quel en serait la portée mais personne ici ne tient à le savoir. Erell s’éloigna de Martinien observant l’édifice.
-Mes parents sont à l’intérieur ?
-Dans un sens oui et ils souffrent.
-Comment pourrais-je y faire quelque chose ? Je ne suis personne !
-Vous êtes l’unique survivante de cette cité à présent. Vous avez un lien de sang avec ces esprits torturés. Vous êtes la clef.
-Pourquoi n’en parler que maintenant ? Pourquoi attendre si longtemps ? Elle avait crié un peu malgré elle. Son teint était devenu pâle. Martinien, malgré ses idées confuses comprit rapidement.
-Le processus lui ôtera la vie, n’est-ce-pas ? Séverin lui lança un regard grave répondant mieux qu’avec des mots. Martinien prit peur, croisa le regard de sa compagne et vu que sa décision était déjà prise.
-Attendez Erell, rien ne nous dit que tout cela est vrai. Ils peuvent tout autant frayer avec le Chaos et vouloir terminer ce rituel.
-C’est la raison pour laquelle je ne vous ai rien demandé tout de suite. J’ai décidé de me montrer tel que j’étais pour que vous sachiez si vous pouviez me faire confiance ou non. Le sacrifice doit être volontaire. Croyez-moi. »
Martinien bouillait intérieurement. Une traitrise, un assaut ou une bataille, il aurait mille fois préféré mais devoir à nouveau faire ce choix le rendait fou. Malgré cela, au travers des couches de colère et d’indignation, il sentit surtout son hypocrisie qui lui offrait l’opportunité de rejoindre les siens en se libérant noblement de sa responsabilité d’envers Lucie. Une façon perverse de boucler la boucle mais jamais il ne s’était senti aussi minable. Avant qu’il ne puisse bouger Erell s’exprima.
« Laissez tomber Marti. J’ai compris. Je vais le suivre. Allez rejoindre les vôtres. Vous ferez plus de bien qu’en protégeant une petite chose insignifiante comme moi. Il la regarda, les yeux écarquillés.
-Vous n’y pensez pas. Je ne vous abandonnerai sous aucun prétexte.
-Vous faites ça par obligation mais, soyons clairs, nous ne serions pas ici si votre préoccupation première était ma vie ! Vous crevez d’envie de rejoindre l’autre zouave pour aller libérer la galaxie. A cela Martinien ne sut que répondre.
-Ne cherchez-plus et arrêtez de vous torturer, je pars avec le tas de boulons et ses trois bras. Autant que ma vie serve à quelque chose. C’est inespéré pour un habitant du Sous-monde, vous savez. » L’ironie morbide flotta encore lorsqu’elle tourna les talons et partit devant le techmarine qui lui emboita le pas. L’astartes resta figé à la regarder partir. Il ne comprit pas ce dernier cadeau qu’elle essaya de lui faire mais quelque chose n’allait pas. Ses idées s’embrumaient de plus en plus. Il était difficile de se concentrer, comme si un bruit parasite ne quittait plus ses pensées. Son cœur lui soufflait de protéger Erell, son conditionnement lui criait de combattre ces rebelles à l’Impérium sans ce soucier des pertes collatérales mais sa raison, elle, n’osait rien. Une main vint se mettre sur son épaule et la bête en lui, rugit son approbation.
« Allons, mon frère. C’est mieux ainsi.
Je ne vous ai pas menti. Vous serez bientôt capitaine. »
Linuial