-Ici Raimer. Korbinian, faites attention, tout ceci n'est pas clair, je crains que nous ne donnions dans un guet-apens. Établissez solidement vos voies de repli et soyez sur vos gardes.
Le Champion de l'Empereur Korbinian acquiesça au conseil du Connétable. Tout comme lui, il redoutait un piège : leur progression était trop facile. Le Black Templar fit ralentir l'allure, et ordonna à ses hommes de se tenir paré à toute éventualité. Il prit dorénavant bien plus de temps à repérer les lieux, et à sécuriser chaque intersection, comme son maître l'en avait requis.
D'après les informations que lui relayait le Damoclès des Dark Angels, l'ennemi n'avait pas tout à fait mordu à l'appât, ou alors il disposait de réserves plus nombreuses que prévues. En tous les cas, il était clair que les hommes du Grand Maître Gabriel faisait face à une opposition bien plus féroce que les Templiers. Peut être était-ce pour mieux les attirer dans une embuscade ?
Quoiqu'il en était, la conquête devait continuer, et Korbinian et ses hommes, même ralentis, entendait bien mener leur mission jusqu'à son terme.
Korbinian fit le point quelques instants au croisement de deux couloirs, puis choisit d'agir en Templier et alla tout droit. Il déboucha sur une cour intérieur, fermée sur quatre côté par un cloître, surplombé par plusieurs étages dans lesquels de nombreuses fenêtres étaient percées. Elles s'illuminèrent toutes en même temps des terribles rayons d'énergie multi-phase. Il recula précipitamment derrière le couvert du mur.
-L'ennemi tente de nous barrer la route, dit-il en se retournant à ses hommes.
Les Black Templars eurent un petit rire sarcastique. Pauvres xenos !
-Escouade Procher, vous nous couvrez avec vos bolters. Escouade Steinmeier, avec moi, chargeons ! Pas de pitié pour cette racaille !
Les Space Marines se mirent en position. Au signal, une dizaine de bolter ouvrit un feu d'enfer sur les fenêtres, forçant les défenseurs à se jeter à l'abri. Levant sa longue Epée Noire, Korbinian hurla le cri de guerre du Chapitre et se lança à corps perdu, une vingtaine de Black Templars derrière lui. Ils traversèrent la cour au pas de course, sous une grêle de tirs épars. Quelques formes noires tombèrent à terre, mais c'était loin d'être suffisant pour arrêter la charge des Croisés. Ils pénétrèrent par la porte qui leur faisait face, et grimpèrent quatre à quatre les deux escaliers qui donnaient accès aux niveaux supérieurs. Les xenos tentèrent de se battre, mais la plupart refluèrent en désordre sous la violence de l'attaque. Ils ne s'attendaient tout simplement pas à voir charger sous leurs tirs meurtriers ces Astartes bien décidés. En quelques minutes, ils furent massacrés et taillés en pièce. Les murs dégoulinaient des gerbes de sang bleu.
Les attaquants continuèrent leur marche en avant, mais furent aussitôt bloqués par une nouvelle barricade dressée dans le couloir suivant. La résistance était plus âpre : peut-être le but était-il proche ?
Korbinian une nouvelle fois se rua à l'assaut. Quelques tirs rebondirent mollement sur l'Armure de la Foi, et il se saisit d'une grenade qu'il envoya par dessus la position retranchée. Au moment même où elle explosa, il empoigna une prise solide et se propulsait par dessus l'ouvrage hâtivement construit d'un bond agile malgré la lourdeur de son armure. Il atterrit dans un choc sourd et abattit l'Epée Noire sur le crâne d'un adversaire, qu'elle trancha en deux jusqu'à la cage thoracique. Quelques moulinets plus tard, tous les xenos étaient morts.
Les Templiers déblayèrent la barricade, puis continuèrent sur leur lancée. Un escalier qui descendait sous terre les intrigua et Korbinian, après l'avoir signalé sur la carte tactique, pris la décision de l'emprunter. Ils surgirent bientôt sur une porte blindée défendue par deux tourelles automatiques et une trentaine de guerriers xenos. Sans hésiter une seconde, les Croisés foncèrent et un corps à corps monstrueux s'engagea. Les hallebardes énergétiques de leurs opposants coupaient les armures comme du parchemin, mais les Croisés étaient plus forts, plus puissants et prirent rapidement le dessus. Deux tirs de fuseurs bien ajustés firent un sort aux canons. La porte blindée, en revanche, demanda plus de temps et il fallu placer plusieurs charges à fusion avant qu'elle ne cède. Ils avancèrent alors le long d'un couloir de béton, éclairé par d'antiques systèmes électriques. Korbinian comprit qu'il venait certainement de découvrir le bunker de commandement. Il chercha à relayer l'information mais elle ne parvint pas à passer, peut être à cause d'un brouillage ou tout simplement de la distance qui les séparait à présent de la surface...
Au fur et à mesure que ses hommes et lui déferlaient dans le bunker et balayaient toute opposition, il put noter que la résistance devenait de plus en plus désespérée. Pour autant qu'il soit possible de le dire avec ces étranges objets xenos, certains utilisaient des armes totalement improvisées, à ce qu'il semblait. En tous cas, plus aucun ne fuyait. C'était un signe que les Croisés touchaient au but.
Soudain, après un nouveau sas bien défendu, ils défoncèrent une dernière porte et apparurent dans ce qui paraissait être une salle de contrôle. Des dizaines de guerriers xenos se jetèrent sur eux avec une rage que Korbinian ne leur avait encore jamais vu. Les Black Templars, déjà bien éprouvés par près d'une heure de combat, chargèrent à corps perdus. Malgré leur constitution chétive, la technologie diabolique de leurs armes et le talent que ces guerriers-ci montraient au corps à corps compensait largement leur handicap physique.
Korbinian para une attaque puis une autre, une autre et encore une autre et se dégagea finalement d'un rapide mouvement de hanche. Il logea un bolt dans la cervelle d'un ennemi, et se rua sur un deuxième. Leur lames s'entrechoquèrent, mais sous les coups redoublés du Champion, le xenos finit par lâcher du terrain et le croisé fracassa son arme d'un redoutable coup de taille porté de haut en bas. Il ne laissa pas l'alien se remettre de sa surprise et lui passa son arme de part en part au travers du corps. Il lança un coup d'oeil à droite à gauche, autant pour chercher un adversaire digne d'être provoqué en duel que pour jauger la situation. Malgré leur vaillance, accablés sous le poids du nombre, les Templiers menaçaient de céder. Le duel attendrait. Korbinian devait renverser la balance à lui seul. Il planta son arme dans le dos d'un agresseur qui avait jeté à terre Frère Noxis et continua de s'ouvrir un chemin sanglant à travers les rangs de l'ennemi. Une hallebarde énergétique lui ouvrit un profond sillon dans le bras mais son possesseur ne vécut pas assez longtemps pour s'en vanter.
Il se démenait comme un beau diable. Peu à peu, grâce à ses efforts, il sentit l'avantage changer de camp. Il exhorta ses hommes de plus belle et chargea droit sur un xenos aux amples vêtements chamarrés. Son habit tranchait nettement, peut être était-ce le chef ?
Korbinian leva l'Epée Noire au dessus de sa tête et l'abattit avec une violence décuplée par la fureur du Juste. Son attaque rebondit sur un puissant champ de force, qui projeta les deux protagonistes les quatre fers au sol, à quelques mètres l'un de l'autre. Le Champion se releva, et repartit aussitôt à l'attaque. L'autre para à l'aide d'un long poignard incurvé, dont la dureté surprit l'Astartes. De l'autre main il tenait une grande rapière, avec laquelle il contre-attaqua. Il en bloqua l'Epée Noire, et avec une vivacité insoupçonnée, porta un coup subit de son poignard, droit vers le torse du Templier. La lame traversa et le champ protecteur et l'armure de Korbinian comme s'ils n'avaient jamais existé ! Il sentit la pointe dure s'enfoncer d'un puis deux puis trois centimètres dans son corps, mais dans un dernier et suprême effort de volonté, il produisit une brusque torsion et arracha l'arme des mains du xenos. La douleur lui fit lâcher un cri. Il para un revers de la rapière avec son épée, empoigna le manche du poignard et l'extraya dans un bruit écoeurant. Les drogues anti-douleur se répandaient dans son corps mais celle-ci restait intense. Il pria pour que l'Empereur lui accorde de tenir le coup. Alors, reprenant l'Epée Noire à deux mains, il frappa à coups redoublés, sa colère et son désir de vengeance multipliant ses forces. Bientôt, le champ protecteur adverse céda dans une explosion d'arcs électriques, et l'autre tomba à terre. Korbinian leva une dernière fois son arme, dirigeant la pointe vers le vaincu, saisit la garde à deux mains, et lui plongea sa lame bénie au travers de la gorge. L'autre laissa échapper un gargouillement tandis que son sang bleu ruisselait hors de sa bouche et sa plaie béante. Il y eu un moment de flottement dans les rangs ennemis, ce que les Templiers mirent à profit pour moissonner autant qu'ils le pouvaient au nom de l'Empereur. Mais cela ne dura que quelques instants, les défenseurs se reprirent et combattirent jusqu'au dernier. Les Black Templars pataugèrent bientôt dans un océan de fluide visqueux, de sang bleu et de viscères. Enjambant les corps démembrés, relevant leurs propres blessés et tués, ils traversèrent le centre de contrôle jusqu'à une porte décorée de symboles étranges.
Korbinian se saisit d'une charge à fusion, la posa sur la porte, l'arma et couru se mettre à l'abri. Dans une détonation cataclysmique, la porte vola en éclat. Quelques morceaux d'étoffes de très grands prix voltigèrent avec eux.
Le Champion entra dans l'ultime salle, ronde et luxueusement décorée de tentures de pourpre aux brocards d'or. En son centre se dressait un trône de grande taille, au dossier de marbre et aux accoudoirs de porphyre. Et sur ce trône était assis un géant dans une antique armure noire ornée de décorations gothiques, portant une longue robe de bure, à la capuche tirée sur la tête qui dévoilait à peine son menton. L'homme se releva, et un sourire sembla se dessiner sur ses lèvres, bien qu'elles ne fussent pas bien visibles. Une longue épée dans son fourreau apparut dans son dos, mais il n'y porta pas la main, pas plus qu'aux deux armes de poing rangées dans des holsters, qui pendaient à sa ceinture. Il prononça simplement d'une voix dans laquelle, de manière fort énigmatique, perçait une nuance de plaisir :
-Vous n'êtes pas les valets du Lion ? Comme c'est curieux...
Il se saisit lentement de ses pistolets. Instinctivement, tous les Templiers levèrent leurs armes vers lui et le mirent en joue. Mais sans même s'émouvoir de la forêt de canons rageurs qui lui faisaient front, l'homme tendit ses armes à Korbinian en lui présentant les manches. Il se rendait.
Korbinian, lui, était totalement surpris. Il ne s'était jamais attendu le moins du monde à trouver ici un Astartes, car indéniablement l'immense aura charismatique qui se dégageait de ce grand homme engoncé dans cette antique armure noire était celle d'un Astartes. De plus, il paraissait s'attendre à rencontrer les Fils du Lion, c'est à dire les Dark Angels... subitement lui revint en mémoire les hésitations du Grand Maître Dark Angel lorsque Raimer lui avait proposé son aide. Quelle était cette sinistre histoire ?
Korbinian n'hésita pas longtemps. Il désarma celui qui devait certainement être la Voix de l'Empereur, qui lui tendit aussitôt le fourreau et son épée. Il la prit également sans mot dire, puis fit un geste à ses hommes qui encadrèrent de très près le personnage et sortirent en l'escortant. Le Champion jeta un coup d'oeil à l'arme. Une très belle arme, manifestement, avec son pommeau à tête de lion, si bien sculptée qu'on l'eut cru prêt à bondir sur quiconque poserait le regard sur lui. La garde représentait une paire d'aile déployée comme si l'épée cherchait à prendre son envol. Korbinian admira le travail d'orfèvre fantastique réalisé le long de la lame, de la garde et de la poignée. Mais le plus étonnant était encore que cette épée si magnifique ne pesait pas le quart du poids de sa propre Epée Noire ! Il n'avait jamais vu pareille arme, et comprit très vite que c'était une véritable relique, un trésor des temps anciens. Il l'inspecta plus en détail et remarqua que courrait le long des deux ailes de la garde une fine inscription, gravée manifestement il y a bien longtemps, dans un haut gothique d'une pureté extraordinaire. Elle disait ceci : « Par ce don, mon fils, délivre en mon nom l'Humanité de l'esclavage ».
Korbinian réalisa qu'ils étaient tombés sur bien plus qu'ils ne pensaient. Sans hésiter un instant de plus, il envoya un message urgent à Raimer :
-Astartes sans héraldique capturé. Prisonnier d'importance vitale. Demande retrait d'urgence de la zone des combats et extraction pour escorter la prise sous bonne garde.
-MFT-