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8 mai 2009 5 08 /05 /mai /2009 08:59

Les deux acolytes restèrent impressionnés par le spectacle qui s’offrait à leurs yeux. Lacrise avait toujours aimé les navires, et l’Apothéose était le genre de bâtiment qui forçait l’admiration. Il ressemblait plutôt à un amalgame de différents vaisseaux qui auraient fusionné entre eux, et son âge canonique se déduisait de ses décorations les plus baroques. Si le gigantesque assemblage qu’était l’Apothéose en imposait déjà par lui-même, plus surprenant encore était le fait qu’il ait réussi à tenir jusqu’ici en un seul morceau ! Des salissures de rouilles pendaient de chaque rivet, suintait de chaque plaque, des morceaux de tôles semblaient ne rester en place que par l’action d’une volonté supérieure. Mais malgré son mauvais état de conservation, la majesté qu’il irradiait était tout simplement bluffante. Sans doute avait-il connu des jours meilleurs, mais ces jours étaient tellement anciens que le respect dû à ses vieilles bordées s’imposait comme une évidence. Peut être avait-il connu le temps où l’Empereur marchait encore parmi les siens ? Peut être même avait-il connu les temps reculés du moyen-âge technologique, peut être même ces temps perdus de l’âge d’or de l’Humanité quand cette dernière s’était répandue à travers les étoiles ? L’aspect vénérable de l’Apothéose autorisait à le penser...

 

Grendl quant à elle était soufflée par la démesure et l’incroyable magnificence du navire. Cette... chose... avait la taille d’une cathédrale, ou même de deux cathédrales, et était capable de voyager à travers l’espace ! Elle était capable d’atteindre des vitesses qui jouxtaient avec celle de la lumière ! Jamais elle n’avait cru possible qu’une telle machine, qu’une telle création humaine puisse jamais voir le jour ou fonctionner. Elle s’était toujours imaginé les nefs spatiales de ses récits comme des tubes oblongs, droits, symétriques et profilés à l’extrême. L’Apothéose était à cent lieus de répondre à ces mythes ! Quant à sa taille... elle qui jusque là avait pensé que les kilomètres de pont que décrivaient les légendes n’étaient que pure exagération, voilà qu’elle n’en était plus autant persuadée...

 

Comme s’il avait deviné l’objet de ses réflexions, Lacrise se tourna vers elle et lui dit d’un air connaisseur :

 

-Et celui-ci n’est qu’un cargo. Et d’une taille modeste encore. Attend donc que nous croisions un cuirassé de classe Emperor ou un « Retribution », tu verras que celui-ci n’est qu’une coquille de noix, le Dieu-machine m’excuse de m’exprimer ainsi !

 

Et comme il la voyait toujours plongée dans sa rêverie, il la prit par le bras et l’entraîna avec lui.

 

-Nous devons trouver le capitaine, ajouta-t-il. Ca n’est pas le moment de traîner, si ce navire part dans deux heures et demie, nous y mettre maintenant ne sera pas du temps perdu.

 

Heureusement pour eux, la capitaine était justement en train de superviser le chargement de sa cargaison. Des chariots entraient les uns après les autres poussés par des dizaines de dockers ou de serviteurs décérébrés par une ouverture de grande dimension pratiquée dans le flanc du vaisseau. Deux pans d’une trappe étaient relevés sur le dos du colosse, et des grues y descendaient des conteneurs d’une taille respectable après s’en être saisi sur le quai. Surveillant l’ensemble de ces opérations, un homme de haute taille, un pull over bleu à col roulé et aux manches retroussées passé sur le dos, un pantalon noir passé de mode lui couvrant les jambes, une casquette noire ceinturée de deux bandes d’or et frappée à son sommet d’un médaillon doré arborant un drôle d’objet, cet homme donc qui paraissait être le capitaine aspirait quelques bouffées de sa pipe tout en  promenant un œil attentif sur ce qu’il se passait devant lui.

 

Lacrise s’approcha de lui et, s’excusant de le déranger, lui demanda s’il était bien Rudolph Gebrakt, le commandant de ce magnifique vaisseau.

 

L’autre se retourna et leur fit face. Il avait le nez fort, un barbe noire lui cerclait le visage et lui noyait le menton, la bouche et jusqu’à son nez. Le même symbole que sur sa casquette était reproduit sur son vieux pull-over. Un objet très étrange : une croix centrale dont la barre horizontale se trouvait très proche du sommet de la barre verticale, sommet qui était surmonté d’un cercle évidé en son centre. A l’autre bout de cette crois, un arc de cercle étirait ses pointes triangulaires vers le haut de la figure, sans toutefois remonté bien haut. Aucun des deux de l’Arbites ou du Technoprêtre n’avait vu une telle chose. Il les dévisagea, puis dit simplement :

 

-C’est bien moi. Que puis-je pour vous ?

 

-Eh bien, nous souhaiterions... rejoindre la colonie 228. Nous avons décidé d’émigrer une fois pour toute, l’air vicié de Scintilla ne nous convient plus.

 

-Immigré sur 228 ? Ou vous avez perdu l’esprit, ou vous devez avoir de solides raisons de vouloir quitter Scintilla, fit-il d’un air soupçonneux en mâchonnant le tuyau de sa pipe.

 

-Non, nous n’avons rien à voir avec des trafiquants si c’est ce que vous sous-entendez, le reprit Grendl.

 

-Excusez moi cher mademoiselle, mais il bien rare que quiconque prétende le contraire... ce sont vos affaires, pas les miennes, et je ne veux pas d’ennui pour mon navire. J’ai déjà bien assez de mal à l’entretenir comme ça, si en plus je devais avoir des démêlés avec la justice ou pire, que deviendrai-je !

 

Il n’était pas besoin d’un être géni pour savoir que pire signifiait simplement l’Inquisition. Mais ils souhaitaient accomplir leur mission avec discrétion, du moins sans faire comprendre qu’ils faisaient partie de cette terrible organisation.

 

-Justement, nous sommes prêts à payer notre voyage... en trônes comme en service, lança le technoprêtre.

 

Il touchait un point sensible. L’homme à ce qu’il semblait, comme tout capitaine de navire d’ailleurs, était profondément attaché à son vaisseau, probablement plus qu’à sa propre mère disait-on même. L’argument fit mouche. Jugeant la robe du culte de Mars comme une potentielle source de réparations bien faites à l’œil, Gebrakt prit un air songeur et répondit à voix basse :

 

-Soit. Venez dans ma cabine.

 

Il abandonna à son second la tâche de veiller au bon déroulement du chargement, et pénétra suivi de Grendl et Lacrise dans les flancs du mastodonte par une passerelle de fer. Le premier lieutenant, un homme de forte carrure aux biceps disproportionnés et sur lesquels étaient tatoués le même symbole qu’arborait le capitaine sur sa casquette, et qui pour comble fumait aussi la pipe, opina simplement du chef pour acquiescer.

 

Ils parcoururent des dizaines de coursives, empruntèrent au moins autant d’escaliers et d’ascenseurs, et arrivèrent comme par enchantement dans les appartements du capitaine. La décoration, qui avait du être somptueuse, était sérieusement défraîchie, voire tombait carrément en lambeaux. Elle était bien à l’image de l’Apothéose lui-même : une oeuvre de temps meilleurs.

 

Le capitaine les pria de s’asseoir dans deux fauteuils cabossés, alla chercher dans une console une petite bouteille d’Amasec, en servit trois verres et revint vers eux. Il leur tendit les verres, puis s’assit lui-même dans un fauteuil mieux conservé que les autres.

 

-Alors qu’est-ce qui vous amène sur 228 exactement ?

 

-Je vous l’ai dit, répondit Grendl, nous souhaitons simplement changer d’air.

 

-Et vous avez choisi 228 pour le faire ? Je n’arrive pas à le croire !

 

-Paraît-il qu’il y a des troubles là-bas. Votre qualité de marchand itinérant vous aura peut être permis d’en savoir un peu plus sur le sujet ?

 

-Oh, vous savez, voilà des décennies que moi-même ne me suit plus rendu à sa surface, et mon dernier accostage en orbite de 228 remonte à trois ans. C’est le temps que je mets à peu près pour boucler mon tour. Mes informations ne seront pas de la dernière fraîcheur.

 

-Certes certes, fit le Technoprêtre, mais vous devez tout de même bien savoir quelque chose, des bribes d’informations... vous comprenez, nous souhaitons aller là bas pour ouvrir une boutique de réparateurs, voir une petite échoppe ou un estaminet, et nous connaissons très mal 228. Toute précision serait la bienvenue !

 

-C’est ce que je vois en effet. On vous a mal renseigné. 228 est sous la coupe d’un cartel industriel qui contrôle tout, depuis la vente des semences et du matériel agricole jusqu’à l’achat de la production et son expédition, en passant par la réparation des machines et la gestion administrative de la planète. Pour preuve, la dîme est récoltée par ses soins et payée par lui à l’Adeptus Terra. Forcément, vous pensez bien qu’ils en profitent. En plus j’ai entendu dire que les colons avaient été roulés dans la farine par le Cartel.

 

-C’est à dire ?

 

-Ecouter, je veux bien vous en parler, mais j’estime qu’en contrepartie, une petite compensation financière ne serait pas injustifiée, non ? Je vous aide, vous m’aidez, correct ?

 

-Attendez, capitaine Gebrakt, nous nous sommes déjà proposé pour vous aider durant notre voyage, vous pouvez bien nous offrir vos renseignements, non ?

 

-Justement, je vous embarque à mon bord, vous me rendez quelques services. Là nous parlons d’autre chose, n’est-ce pas ?

 

Lacrise se renfrogna.

 

-Comme vous le voyez, poursuivit le capitaine, mon bâtiment n’est pas dans le meilleur état qui soit, et je suis très attaché à lui. Je n’espère plus depuis longtemps lui rendre sa splendeur d’antan, mais enfin, si je pouvais parvenir à lui rendre un peu de la majesté qui lui est due ! Considérez donc votre participation comme un don charitable à un beau navire qui mérite mieux que le sort qui lui est fait !

 

Gebrakt était malin. Il savait que le Technoprêtre ne serait pas insensible à cet argument.

 

-Soit, fit enfin ce dernier. Qu’en penses-tu ? ajouta-t-il en se tournant vers l’Arbites.

 

-Ma foi... c’est d’accord, conclut-elle.

 

-Bien. En échange de cinquante Trônes, je vous révèlerai ce que je sais.

 

Les deux acolytes firent la grimace. C’était une sacrée somme ! Ils la payèrent tout de même. Gebrakt empocha les pièces et se mit à parler.

 

-En fait, la base du problème remonte à près de deux siècles. A l’époque, 228 n’était pas colonisée, et certaines firmes industrielles mandatèrent une expertise géologique afin de déterminer le potentiel minier ou agricole de la planète. Les résultats étaient favorables, et les firmes déployèrent leurs moyens au sol. Mais elles furent très vite déçues. La planète ne valait rien et les études avaient été falsifiées. Le Cartel trouva donc un autre moyen de rentabiliser les prix exorbitants qu’il avait du payer pour s’approprier les droits de concessions. Ils ont à leur tour utilisé un rapport truqué, et ont sans doute usé de corruption dans le personnel politique de Scintilla. Après une campagne de publicité, huit mille familles sont parties s’installer là bas, bercées d’espoirs d’une vie meilleure. Ils payèrent à leurs tours très cher les actes de propriété. Et ce fut une cruelle désillusion. Depuis le Cartel les exploite, puisque tout ce qui est nécessaire aux colons est sous sa dépendance. Forcément, le ressentiment est fort là bas, à la fois contre le Cartel mais aussi contre l’Imperium qui est de connivence. Tant que la dîme est payée, peu lui importe. Et vous pensez bien que le Cartel se sert aussi sur la bête, en prenant plus que la dîme au passage.

 

-Hmm ceci expliquerait donc cela. Avez-vous une idée de qui mène le jeu de la rébellion ?

 

-Oui mais ça ne sera pas gratuit non plus, fit Gebrakt d’un air malicieux. Vingt Trônes de mieux.

 

-Alors ? interrogea Grendl tout en donnant la somme convenue au capitaine.

 

-Eh bien, d’un côté évidemment il y a la pègre de 228, qui entretient un climat terrible de terreur. Racket, vol, contrebande, et plus encore, vous voyez ce que je veux dire. Je me suis d’ailleurs laissé dire que le principal objet d’exportation, le haricot gavoir, rentre dans la composition de certaines drogues. Pas étonnant donc que la pègre soit si active. 

 

-C’est étrange, car sur toutes les planètes de l’Imperium existe une pègre. Faut-il que ce haricot soit si important pour les réseaux parallèles pour que le désordre augmente à ce point ?

 

-C’est probable, mais la misère et la pauvreté n’arrange rien à l’affaire. Et puis il y a un deuxième contestataire organisé : la Coopérative Agricole. Ces gens se sont mis dans la tête de résister au Cartel en se regroupant et en se débrouillant seuls. Ils ne sont pas ouvertement violents mais comme ils attirent forcément la sympathie, la violence qui peut leur être faite entraîne souvent des réactions intenses dans la population et le Cartel a bien du mal à maintenir l’ordre avec ses milices. De fait il évite de s’en prendre trop ouvertement à eux.

 

-Connaissez-vous le nom des meneurs ? dit Lacrise.

 

Gebrakt sembla hésiter. Il fait la moue, tritura sa pipe et ses yeux paraissaient refléter un débat intérieur qui aurait secoué son âme.

 

-Je suis prêt à y mettre le prix, ajouta le Technoprêtre.

 

-Vous comprenez ce sont des amis, surtout le directeur de la Coop’, je ne veux pas les livrer à l’Inquisition.

 

Lacrise joua le jeu et fit tomber le masque.

 

-Comme je suppose vous n’aimeriez pas qu’elle vienne mettre son nez dans vos affaires à vous, n’est-ce pas ?

 

Gebrakt ne répondit pas. Manifestement aucune des deux alternatives ne lui plaisait et la conversation prenait un tour qui n’était pas prévu et qui ne lui convenait pas du tout. Finalement, dut-il se dire, de deux maux on prend le moindre.

 

-Donnez-moi cent trente Trônes et je vous donne leurs noms.

 

-Eyh ! fit Grendl estomaquée, c’est cher ! Ne pourrions-nous pas trouvé un arrangement plus... appréciable ? ajouta-t-elle en dénudant savamment son épaule.

 

-Pas du tout ! Je trahis déjà mes amis, et j’aime encore mieux vous dire que centre trente Trônes ça n’est rien comparé à ce que cela me coûte ! Quant à votre proposition, sachez que j’ai une femme, deux enfants, et que j’y tiens !

 

-Très bien, coupa Lacrise, voici cent trente Trônes.

 

Gebrakt les empocha et dit simplement :

 

-Abraham « Irritatus » Deca et Torvaeus Scheldron. Le premier dirige la pègre, le second la Coop’.

 

Il dit cela dans un souffle, effondré au fond de son fauteuil. Effectivement, cela lui avait coûté beaucoup, et probablement donnait-il là les bonnes informations. De toute façon, il serait nécessaire de les recouper par une enquête menée au sein de l’équipage.

 

-Bien, fit Lacrise. Voilà qui est satisfaisant. Et que pouvons-nous faire pour vous aider, alors, cher capitaine Gebrakt ?

 

L’autre ne répondit pas tout de suite.

 

-Comme vous pouvez-vous en douter, adepte de Mars, mon navire aura bien besoin de vos services. Vous pourrez déjà commencer par réparer la batterie d’ascenseur Jaune 3. La plupart du temps, ils vous envoient là où ils veulent et non pas là où vous le souhaiteriez, quand ils ne tombent pas en panne tout simplement et refusent de vous laisser sortir. Je pense que vos compétences seraient bien utiles pour dialoguer avec l’esprit de la machine et comprendre pourquoi il est aussi réticent.

 

-Et moi ? dit Grendl.

 

-Quant à vous, je n’ai personne pour servir le mess des officiers. Présentez-vous à onze heures auprès de l’officier d’intendance du mess, il vous remettra l’uniforme approprié et vous donnera vos consignes. Venez avec moi, conclut-il, je vais vous montrer votre cabine.

 

-MFT-

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