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19 mars 2009 4 19 /03 /mars /2009 09:43

Comme un lion en cage, le Dark Angel enrageait, pestait, allait et venait autour de la salle d’entraînement du Winged Vengeance. Gabriel avait déjà démantibulé trois mannequins, et sa soif de combat ne s’était pas étanchée pour autant. Le feu de la vengeance, qui le consumait de l’intérieur, n’était pas près de s’éteindre. Croyant pouvoir trouver un apaisement, ou du moins un pis-aller dans le fait de se défouler sur des pantins articulés, il n’avait pourtant guère réussit à calmer ce déchaînement d’instincts meurtriers. Il en voulait aux Orks. Ceux-ci allaient devoir payer la mort des neuf Astartes sur le pont de Gerzéel. Mais en attendant qu’une unité soit reformée, il était obligé de tourner en rond sur ce croiseur d’attaque.

 

Incapable de s’assoire il parcourait la pièce en long, en large et en travers, il en arpentait le sol. Lui qui avait fait des pieds et des mains pour sortir au plus vite de l’apothicarium, bravant la mise en garde du Frère Gideon, il était à présent bien avancé ! Devoir patienter, enfermé dans sa cellule de repos ou entre les quatre murs d’acier de la salle d’entraînement, était en fin de comptes plus douloureux encore que les blessures qu’il avait reçues lors de son combat contre les peaux-vertes.

 

Perdu dans ses pensées de haine et d’exécration, il n’entendit même pas le chapelain Abraxas faire son entrée. Abraxas était un vétéran de nombreuses campagnes, déjà deux clous d’ancienneté avaient été fichés dans son front. Affecté depuis plus de trente ans à la Troisième Compagnie de Combat, il connaissait bien les hommes et leurs maux. Gabriel, zélé déjà dès son noviciat au service de l’Empereur, lui avait paru aussitôt comme une personnalité qui marquerait les années à venir. S’il ne mourrait pas avant… C’était déjà une vraie chance qu’il ait survécu au massacre de toute son escouade, mais au cours de son précédent entretien avec lui à la sortie des ponts-hôpitaux, il avait vu à quel point cet épisode avait marqué le jeune Frère, et quelles tempêtes agitaient son âme. Même l’annonce que son nom serait inscrit avec celui de son escouade dans le livre des hauts-faits du Chapitre n’avait pas eu tous les effets escomptés. Cette fois-ci il était porteur de deux nouvelles. Mais l’une était bonne quand l’autre était plutôt mauvaise et il ignorait encore comment allait réagir son subordonné à l’ensemble de l’annonce. Son tempérament était assez exceptionnel, et il se demandait s’il n’aurait pas à faire usage de toute son autorité pour faire entendre raison au jeune Frère. Il décida d’aborder le problème de front.

 

-Gabriel, je suis porteur d’un double message de la part du Grand Maître Belial.

 

Surpris par une voix qui surgissait dans l’ouragan qui ravageait ses pensées, Gabriel sursauta et se retourna vivement. Il reconnut le Chapelain Abraxas aussitôt et le salua comme il se devait.

 

-Gabriel, reprit l’Astartes, Maître Belial vient de décider ton transfert à la 7ème Escouade de la 3ème Compagnie. Tu t’y mettras sous les ordres du Frère Espertas, ta nouvelle affectation étant effective sur l’heure.

 

En un instant, le visage du Marine fut transfiguré, passant de l’affliction et de la haine à la gaieté la plus grande.

 

-C’est un honneur ! Intégrer une unité d’assaut dès ma seconde mission ! Que l’Empereur soit loué et Maître Belial remercié pour son geste ! Eilon et mes Frères vont pouvoir être vengés !

 

-Du calme, jeune frère. Maître Belial a certes remarqué les talents dont tu as fait preuve à l’épée, et en particulier tout récemment, et effectivement il a pu te juger digne de rejoindre la 7ème Escouade. Mais sache bien que c’est surtout parce que les escouades d’assaut paient toujours un lourd tribut dans nos guerres contre les Orks, et parce qu’enfin nous ne disposons pas d’assez de novices à introniser Frères dans l’expédition. Tu peux certes rendre grâce à notre Père pour t’avoir élu dans le feu des combats, mais prend garde à ne pas montrer autant d’émotions. Ne recherche pas l’Honneur pour l’Honneur mais pour le service de l’Empereur.

 

-Oui, Frère Chapelain. Je ne l’oublierai plus. Mais vous disiez être porteurs d’une seconde nouvelle ?

 

-En effet, jeune Frère. Tu pourras venger la mort de ton escouade, mais pas tout de suite. Nous allons abandonner cette expédition car une tâche plus importante nous requière ailleurs.

 

- Quoi ? s’exclama Gabriel.

 

Le timbre de sa voix trahissait une colère retrouvée et décuplée par cette terrible annonce. L’expression de son visage vira aussi soudainement que quelques minutes plus tôt en une grimace de rage. Eilon, Raphael, tous ces valeureux guerriers devraient attendre d’être vengés alors que leurs corps démantibulés gisaient à la morgue dans des caissons ? Alors que leurs âmes hurlaient sur les restes du pont de Gerzéel à la vengeance ? Si les Dark Angels partaient, cela ne signifiait-il pas une mort certaine pour cette petite planète du nom de Stéphania pour laquelle tant de vies humaines ou Astartes avaient déjà été perdues ?

 

-Mais c’est impensable ! S’insurgea-t-il. Que va devenir cette planète sans nous ? Que vont devenir ses habitants ? Vous savez aussi bien que moi qu’ils n’ont pas d’autre chance que nous d’être sauvés, en particulier par ces incapables d’Arkadiens !

 

-Les ordres sont les ordres et tu n’as pas à les discuter ! répliqua sèchement Abraxas.

 

-Et Eilon ? Et tous mes Frères ? Leur sacrifice aura-t-il été inutile ? A quoi bon être mort de cette façon pour tenir un objectif qui n’aura été vital que trois jours durant ? Comprenez-vous quelle est la monstruosité de cet ordre ?

 

Un vigoureux direct le cueillit en pleine mâchoire et l’envoya s’écraser au sol deux mètres plus loin. Se massant douloureusement le maxillaire, il se redressa, appuyé sur un coude. De toute sa stature, le Chapelain le toisait, son regard dur comme la pierre, ses yeux noirs comme l’obsidienne, le dévisageant entièrement, scrutant son âme. Gabriel sentit une colère sourde, froide, émaner de l’Astartes qui, les poings serrés, semblait se contenir pour ne pas le frapper à nouveau.

 

-Tais-toi jeune Frère, siffla-t-il. Comment oses-tu dire cela ? Comment oses-tu me parler de la sorte ? La colère aveugle-t-elle ton esprit au point de te faire perdre la raison ? Tu feras pénitence de quatre fois vingt coups de fouet dans ta cellule pour t’éclaircir les idées et te rappeler à la fois ta place et ton devoir.

 

-Oui, Frère Chapelain, mâchonna Gabriel, autant à cause de la douleur physique que de la douleur morale qui toutes deux l’empêchait de desserrer les dents.

 

-Relève-toi, nous partons dans deux heures et il n’y a pas lieu de discuter quoi que ce soit. Ce sont les impératifs du service et nous servons l’Empereur quelque soit la mission. Puisse le fouet favoriser ta méditation là-dessus.

 

Tournant les talons, Abraxas s’éloigna mais une interpellation de Gabriel le retint d’aller plus loin.

 

-Frère Chapelain, j’aurais besoin de… de vous poser une question.

 

Partagé entre un sentiment de colère envers ce subordonné qui avait osé se montrer insolent à son égard, chose qui le portait plutôt à le rabrouer, et celui d’un devoir envers lui, il préféra lui faire face et lui demander de quoi il retournait. Après tout, le premier des devoirs du Chapelain n’était-il pas d’être à l’écoute de ses Frères ? Quel bien piètre exemple donnerait-il là…

 

-Je t’écoute.

 

-Frère Abraxas, je… je ne comprends pas. Le Chapitre nous exhorte toujours plus à nous dépasser et à ne jamais céder un pouce de terrain, à tenir envers et contre tout et à faire sacrifice de nos vies à l’Empereur pour que survive l’Humanité et la gloire de notre Père. Mais quel sens peut prendre le sacrifice de la 3ème escouade si nous abandonnons cette planète aux peaux-vertes ? Non seulement ne pas lâcher le pont ne nous aura apporté aucun bénéfice mais en plus nous laisserions au Xénos un fragment du domaine de l’Empereur ? Je ne comprends plus.

 

-Tu as posé une question pertinente mon garçon, lâcha Abraxas, sa colère retombant aussitôt. Il est rare que d’aussi jeunes que toi me la pose. N’est-il pas vrai que durant ton initiation, tu as reconnu que le service de l’Empereur avait bien des sens ?

 

-Si et c’est précisément parce que je ne sais plus où le voir dans ces évènements que je pose cette question.

 

-Alors comprend que ce qui t’échappe n’échappe pas à d’autres. Fais toujours confiance en tes chefs et exécute leurs ordres. Tes camarades sont morts parce que ce pont devait être tenu ; qu’importe que nous partions ou que nous restions. Maître Belial a jugé qu’il devait en être ainsi. Leur devoir envers lui et l’Imperium était de le tenir, quel qu’en soit le prix. Et ils l’ont fait. S’ils ont gagné leurs places dans le Liber Honorificorum, c’est qu’ils l’ont mérité. Leur sacrifice a eu ce sens : ils ont accompli pieusement ce qu’on leur a demandé et ont donné leur vie pour l’Humanité. Quelle importance si cet objectif n’était plus vital trois jours plus tard ! Ils ont donné leurs vies pour protéger le genre humain et en cela ils ont servit magnifiquement l’Empereur. Aie confiance en tes supérieurs et exécute leurs ordres, tu serviras l’Empereur. Ma réponse te convient-elle ?

 

-Oui, Frère Chapelain.

 

La colère avait cédé la place à un certain degré d’amertume mais surtout à de la résignation. Abraxas le sentit.

 

-Dis-toi que tant qu’un xénos restera en vie, le combat ne prendra pas fin et que l’occasion de venger tes Frères se présentera à toi des milliers de fois. Sers-toi de ta haine pour purger, pour œuvrer pour le bien de l’Humanité. Vois chaque combat comme une occasion de venger tes Frères et tu atteindras les summums qu’un Astartes puisse atteindre. Tu atteindras la plénitude dans ton service envers l’Empereur et ton Chapitre, tu seras source d’exemple pour les novices et tous tes frères. Mais ne laisse jamais la haine te guider, sers t’en pour annihiler l’ennemi mais ne la laisse pas t’annihiler toi. La haine est une arme puissante mais il faut savoir l’utiliser et la manier, sans quoi elle te dominera et te subjuguera. Elle obscurcira ton jugement comme elle l’a fait tout à l’heure. Continue à suivre les offices et à être zélé dans les services religieux. Passe du temps avec nous autres Chapelains. Fais-nous part de tes questions et de tes doutes. Nous seuls pourrons t’enseigner le moyen de détruire par la haine les adversaires de l’Humanité.

 

-Oui Frère Chapelain.

 

-Bien.

 

Abraxas fixa son regard droit dans celui de Gabriel. Il reflétait l’intelligence et montrait que ses paroles essaimaient déjà dans la terre féconde de son esprit. Il n’y lut plus de colère, ni aucune trace de rage meurtrière. Il sut alors son devoir accompli. Il voulut s’autoriser un sourire mais s’en garda. Pour lui, le rire ne convenait pas à la fonction de Chapelain et seule la joie des combats n’était pas à proscrire. Pourtant, derrière cette stricte rhétorique, il ne pouvait empêcher un léger sentiment de contentement se faire jour au fond de lui.

 

-Et n’oublie pas de faire ton rapport au Frère-Sergent Espertas une fois achevée ta pénitence, jeune Frère.

 

 -MFT-

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