Malgré les nouvelles de nombreux combats qui provenaient des secteurs voisins, et les rapports faisant mention de la progression d’orks dans le secteur 4, les défenseurs du pont de Gerzéel n’entrèrent pas en contact avec l’ennemi de la journée. Bien que le Sergent Eilon ai ordonné de maintenir une garde vigilante, aucun signe laissant supposer l’arrivée d’un agresseur ne fut relevé, et c’est sous un ciel rougi par la lueur des incendies alentours plutôt que par le second soleil de la planète que les sentinelles prirent leurs tours de garde.
A l’abri d’une tranchée construite par les gardes impériaux du 89ème Arcadien, Gabriel prit lui aussi son tour bien que les Space Marines ne dormissent jamais vraiment.
Gabriel profita de ce moment pour inspecter du regard les positions fortifiées. Un dense réseau de tranchées, petit mais complexe, déployait ses boyaux entre positions de tirs, de départ et de relève, enserrant la route stratégique qui enjambait via le fameux pont un large cours d’eau. Le mot cours d’eau était d’ailleurs un bien grand mot… l’eau était à ce point polluée que seuls les Marines pouvaient s’y désaltérer. Ces derniers temps, les effluves brunâtres des industries et des égouts avoisinants avaient laissé place à de lourdes plaques de pétroles, de mazout, voir des cadavres humains et xenos, qui dérivaient le long du courant.
A l’intérieur des boyaux se terraient une trentaine de gardes impériaux, qui n’étaient guère expérimentés, menés par un lieutenant qui l’était nettement plus, mais avait bien du mal à tirer le meilleur de ses subordonnés. Il était accompagné d’un terrifiant commissaire, taciturne et glacial. Les deux personnages ne semblaient pas issus de la même planète et l’Arcadien parlant assez mal le Haut gothique impérial, leurs discussions utilisaient une drôle de combinaison de gestes et de rudiments de langue impériale. Manifestement, le commissaire ne devait pas être bien vieux au sein du régiment…
Plus intéressant étaient les serviteurs cybernétiques de l’Adeptus Mechanicus, que menait le techno-adepte Abeus Cleptus. Ses cyborgs, plus machines qu’humains, possédaient à eux seuls une panoplie d’armes aussi variées que dévastatrice, à faire pâlir d’envie n’importe quel Imperial Fist ou Salamander. Ils assureraient tous les types de tâches que l’on pouvait leur attribuer au mieux, avait déclaré leur maître. Ce dernier, qui possédait plus de dendrites et de câbles implantés dans son corps que tous ses jouets réunis, ne jurait que par la puissance de ses armes.
Personnellement, Gabriel ne les estimait pas à la hauteur de la tâche qui leur était confiée. Entre le prêtre de Mars à peine plus humain que ses sbires qui pêchait un peu par excès de confiance, et les Gardes Impériaux qui jouaient à l’alternance avec l’extrême inverse, les choses ne se présentaient pas le mieux du monde, pensa Gabriel.
Un léger bruit, indistinct mais pourtant audible, le tira de ses pensées. Il fixa du regard la zone d’où il lui semblait que le son, qui maintenant évoquait celui d’un moteur, lui provenait. Là-bas, tout là-bas, il lui semblait voir des colonnes de poussière. Comprenant qu’enfin, l’ennemi se montrait, il donna l’alerte. Il était trois heures du matin, nota-t-il.
Au bout d’une demi-heure, pendant laquelle la frénésie s’était emparée du camp fortifié avant de retomber et de le céder à la nervosité, on put commencer à dénombrer l’étendue des forces de l’adversaire. Une vingtaine de transports, quelques gros blindés, beaucoup de petits véhicules rapides… par conséquent au moins plus de deux-cent-cinquante orks. Les pauvres Gardes, inexpérimentés, ne comprirent pas ce que leurs aînés saisirent : ils avaient peu de chances de s’en sortir…la disproportion était à ce point importante qu’Eilon laissa échapper –par bonheur sur le canal d’escouade – un simple « Empereur tout-puissant ».
Comme la veille, Eilon ordonna de ne laisser tirer personne tant que les premières unités adverses n’auraient pas franchies les trois quarts de l’obstacle. Mais à sa surprise ainsi qu’à celles de tous les autres, les premiers véhicules ne ralentirent même pas à l’entrée du pont, tant et si bien que la première salve impériale n’infligea guère de dommages. Seul le missile de Frère Raphael parvint à atteindre un truck et l’envoyer culbuter contre le parapet de l’ouvrage. La forte lame fixée à l’avant traversa comme du beurre le muret de pierre et l’engin alla s’écraser dans la berge, dans une énorme explosion. Mais déjà, les premiers boyz, qui avaient franchi à l’aide de leurs engins surpuissants l’embuscade tendue, sautaient à terre et se ruaient sur les boyaux impériaux, afin de faire sortir ceux de leurs occupants…
Un torrent de flammes les accueillit et en grilla tout bonnement une bonne vingtaine, bien qu’aussitôt de nouveaux arrivants, passant outre le barrage de tirs qui pourtant noyait le pont sous un véritable déluge de projectiles, se lançaient à l’assaut. Des engins légers, dont bon nombre explosaient avant de passer le mortel obstacle, ouvrirent le feu sur les défenseurs, bloquant de nombreux gardes sous un tir nourri plutôt qu’assuré. Les boyz tombaient comme des mouches mais ceux qui survivaient tombaient à bras raccourcis sur les humains. Tentant vainement de s’opposer à la baïonnette, les gardes étaient massacrés, pour ne pas dire littéralement mis en pièce par la sauvagerie des orks. L’intervention héroïque du lieutenant Scaevola et ses hommes permit de ralentir la tuerie, qui déjà lui avait haché la moitié de son peloton. Mais tandis que l’officier se lançait dans ce féroce corps-à-corps, un lourd chariot de guerre fit tonner son obusier avant de s’élancer sur le tablier du pont, bousculant tout sur son passage, précipitant cinquante mètres plus bas les carcasses des véhicules détruits. L’obus alla s’écraser en pleine mêlée, pulvérisant une dizaine de combattants des deux bords. Un tir de canon laser atteint le système de rechargement de l’arme et la tourelle supérieure explosa dans une détonation assourdissante. Secoué, les boyz eurent un peu de peine à sortir de la soute et un missile à fragmentation habilement tiré par Raphael alla causer un grand carnage, projetant des schrapnells un peu partout à l’intérieur.
Dans un tel désordre, Eilon comprit que si son flanc gauche lâchait sous la pression des xenos, avoir abattu déjà près d’une centaine de peaux-vertes ne serviraient à rien, et il enjoignit à son escouade de combat de le suivre hors de la tranchée opposée. Il se mit à courir dans la direction du carnage, son épée énergétique décrivant des moulinets devant lui, et laissant une pluie d’étincelle comme une traîne dans son sillage. A présent, c’étaient deux autres mastodontes de ferraille, de tôles et de poutrelles hétéroclites, qui s’avançaient sur le pont. Alors qu’il avait déjà parcouru la moitié du chemin, le premier assemblage de morceaux divers et variés vint décrire un dérapage à côté de lui, et dans un rugissement bestial, des xenos d’une taille bien supérieure surgirent de tous les points de sortie de l’engin. Des nobz ! Le combat, déjà très inégal, allait devenir vraiment impossible. Pourtant, Frère Raphael d’un tir chanceux atteint la chenille du deuxième chariot de guerre et, la pulvérisant, obligea le char déchenillé à déraper à son tour qui basculant hors du tablier, alla s’écraser dans la rivière en contre-bas.
Malgré leur bravoure, Eilon et ses hommes ne faisaient pas le poids face aux adversaires auxquels ils étaient confrontés. Frappant en tous sens pour se dégager, Eilon et ses Frères avaient déjà mis hors de combat trois opposants, mais petit à petit les Marines tombaient à leurs tours sous la force bestiale des orks. Bientôt, il ne resta plus que le Sergent-vétéran. D’un large revers il trancha un bras porteur d’une dangereuse griffe énergétique. D’un coup droit, il perfora un abdomen, d’une attaque de taille portée de droite à gauche, il coupa une jambe. Entouré des cadavres de ses Frères comme de ses victimes, le Sergent, qu’une demie-douzaine de blessures affectait, vit se détacher du groupe un nobz plus costaud que les autres. Ce dernier le toisa, et articula avec difficulté :
-Eh toi, l’z’hom en boit’, vien-z-y donc t’mesuré à moi. T’ai ben battu, t’m’a tué plin nobz, et maint’nan t’a gagné l’droi d’te euhm’zuré à moi.
-Meurs, raclure Xenos, répondit simplement Eilon, et joignant le geste à la parole il lâcha une courte rafale dans l’estomac du géant vert.
Les deux premiers blots ricochèrent sur de grossières plaques de blindage mais la seconde ouvrit une large plaie dans le ventre du champion. Ce dernier, fou de douleur, sauta, la griffe grande ouverte, sur sa proie. Eilon s’esquiva adroitement et voulu abattre sa lame sur la nuque de l’ork dans la foulée, mais celui-ci para le coup en agrippant le poignet du Marine, et le tordit dans un craquement sinistre. Malgré la violence de la douleur qui lui remonta instantanément jusqu’à l’épaule, ce dernier ne lâcha pas un cri. En revanche, une lourde gifle lui arracha son casque, et un redoutable coup de pied sous la pièce pectoral de son armure l’envoya au sol, sonné.
Dans son état à mi chemin entre réalité et inconscience, il se sentit soulevé de terre, coincé dans une terrible serre de métal.
-R’gardez tous, tas ed minab’, ske j’fais d’vot’ chef en boît’ ! Les pluss for’, s’toujours les vré verts, pas lé zespèces d’avortons ki s’peignent t-en vert pour nous ressemblé à nous les vré z-orks ! R’gardez ske j’en fais, de st’espèce d’erzatz !
Et dans un ricanement machiavélique et un horrible craquement, il broya son prisonnier dans les airs, à la vue de chaque défenseur.
Devant le spectacle effroyable, les Arcadiens perdirent complètement pied. Les derniers survivants fuirent hors des retranchements. Le commissaire s’interposa de toute sa stature et hurla à la face des hommes en panique :
-Revenez, tas de déchets !
Il logea un bolt dans le crâne d’un des fuyards, qui éclata dans une débauche de purée de cervelle. Mais même la menace d’un tel châtiment ne remit pas les Arcadiens dans le bon chemin. Au contraire, ces derniers sautèrent sur leur némésis et, le désarmant, l’égorgèrent… La mort du dernier représentant de l’autorité sur le flanc gauche –Scaevola et ses hommes avaient péri depuis bien longtemps- mit en déroute les derniers défenseurs de ce côté là de la route. Le techno-adepte avait été écrasé par un obus presque dès le début et ses serviteurs, qui s’étaient tus, faisaient à présent le bonheur des pillards et mékanos orks.
De l’autre côté du champ de bataille, Raphael, Gabriel, et les trois autres survivants de l’escouade Eilon, se battaient comme des lions. Tenant les orks en respect depuis les tranchées par un feu contrôlé et bien ajusté, ils étaient parvenus à enrayer trois assauts orks sur leurs positions. Mais à présent qu’Eilon et les autres n’étaient plus là, qu’il n’y avait plus de flanc gauche ni de centre, les choses risquaient de connaître un brusque changement.
Devant leur état, Raphael n’eut guère le choix que de lancer un SOS sur la fréquence de détresse, tandis que ses frères entonnaient les hymnes à la mort, tout en rechargeant alternativement leurs armes. Un dernier missile partit, après quoi Raphael annonça qu’il était à court de munitions. Il vint se joindre à la fusillade armé d’un simple pistolet bolter…
Ralliant ses boyz, le boss ork regarda d’un œil mauvais alternativement ses insubordonnés et les derniers Marines qui tenaient héroïquement une position intenable. Il hurla :
-Ke ceuss ki aime Wazza Mag Uruk Kasstoo montent là hau avé moi !! Pour not’ boss qu’on aime !! WAAAGH !!
Et dans un hurlement bestial, repris par une bonne centaine de voix rauques, les peaux-vertes s’élancèrent à l’assaut de la colline fortifiée.
Gabriel, abrité dans sa tranché, déchargeait méthodiquement son bolter sur les assaillants. Chaque tir faisait mouche, mais la constitution orkoïde était si robuste que tous ses tirs n’étaient pas mortels ! Mètres après mètres, les attaquants gagnaient du terrain. Lorsqu’il jugea les orks trop proches pour obtenir une précision du tir suffisante, Gabriel sortit son pistolet bolter à son tour, et s’armant de son couteau de combat, qui l’accompagnait sur tous les théâtres d’opération depuis son noviciat, il attendit la marée verte. Il glissa un dernier regard à l’épée du Sergent, qui gisait là-bas, au sol, hors de portée…
Et soudain ce fut le corps à corps. Dans la mêlée sanglante, les tirs de pistolet fusaient dans toutes les directions, les adversaires s’entre-choquaient et disparaissaient au gré de leurs fortunes. A bout portant, Gabriel éventra un ork, puis esquiva l’attaque d’un second avant de lui plonger sa lame de combat dans la nuque. Au loin, il aperçut Frère Azdakan se faire décapiter par le boss ork, un véritable fléau… au bout de quelques minutes il ne restait plus que Raphael et lui encore en état de se battre. Plongeant sous un revers de kikoup, Gabriel atterrit droit aux pieds du leader ! Celui-ci le souleva par un pied, mais plutôt que de le lui cisailler, il jeta l’Astartes loin derrière lui, afin de pouvoir se battre avec lui hors de la mêlée. Passant en trombe au-dessus du carnage, Gabriel ne put qu’apercevoir Raphael se faire submerger par les peaux-vertes avant d’aller s’écraser au sol un peu plus loin. Il devait bien en rester une soixantaine…
Avec une démarche lourde et pataude, l’énorme ork s’approcha de Gabriel et le regarda avec mépris. Il lui lança :
-Chuis Ragnuk la den roug’, le premié Leut’nan d’mon boss Wazza Mag Uruk Kastoo. E qui t’é, toi, n’avorton ?
-Je suis ta mort, sale Xenos, répondit Gabriel en se remettant debout.
-Pfff… z’ête lour’ à vou répété tou l’temps, les z’homs en boît’ ! déclara le Leut’nan et d’un revers de sa pince, il projeta à nouveau Gabriel une dizaine de mètres plus loin…
C’état précisément la distance qui l’avait séparé de l’épée du sergent Eilon. A présent, elle se trouvait à portée de main. Sans hésiter un seul instant, Gabriel s’en saisit et, délaissant son vieux couteau de combat, se releva, l’arme énergétique à la main.
-Cé ça, ser ten donc de c’t’ouv’boît’ ! Vien m’affronté !
Autour des deux protagonistes, un cercle se forma. Les boyz survivants, assurés de voir un beau massacre, se rassemblaient et se tassaient afin de n’en rien louper. Gabriel chercha à les ignorer en faisant effectuer quelques moulinets à sa lame. Son orgueil hurlait face à ce rôle ignominieux de duelliste, de bête de foire, de combattant déjà mort que le boss ork lui faisait endosser. Mais le gladiateur que l’on croyait déjà abattu comptait bien inverser les costumes… Préférant se concentrer sur le combat qu’il devait livrer pour son honneur, il plongea en lui-même afin de recréer cette symbiose avec son arme, qui avait fait sa réputation et qu’il appréciait tant.
Sans le moindre avertissement, l’ork se jeta sur sa proie qui lui échappa vivement non sans laisser une entaille dans sa musculature noueuse et verte. Le xenos grogna et porta une nouvelle attaque, qu’à nouveau Gabriel esquiva avec facilité. Le Dark Angel était tel une anguille, passant sous ses coups, profitant des moindres failles dans la défense de son adversaire, du moindre retard dans ses passes, pour lui infliger de nouvelles blessures. Même si le combat se déroulait à un rythme soutenu, il semblait durer en longueur aux deux combattants. L’ork ne parvenait pas à porter un seul coup mais ceux de Gabriel n’avaient pas la force suffisante pour être mortel ou vraiment dangereux, car la rapidité de ses contre-attaques ne lui permettait pas de prendre l’élan suffisant pour ce faire. Après un long échange, l’ork rata un crochet de sa pince et, fatigué, ne revint pas à temps en garde. Gabriel saisit l’opportunité et abattit une volé de coups, tous plus appuyés les uns que les autres, d’une fulgurance inégalable. Sous la riposte, le colosse recula d’un pas, puis deux, puis trois qui s’accélèrent. L’initiative était passée à son adversaire. Frappant de tous côtés, Gabriel multipliait les blessures, espérant surcharger le système nerveux de l’ork sous les appels, et lui faire perdre quelques instants ses esprits, ce qui lui donnerait la chance de pouvoir enfin porter une attaque fatale. Et enfin il y parvint. L’ork eut un bref moment d’absence, et Gabriel, ramenant ses bras en arrière, plongea, avec une force dans laquelle il mit toute sa rage, sa colère et sa haine, sa lame à travers l’abdomen du géant.
Le peau-verte émit un hurlement de douleur alors que les arcs électriques lui calcinaient les intestins, et que l’épée s’enfonçait toujours plus loin en lui. Elle était déjà enfoncée à plus de la moitié lorsque d’une brusque torsion, ses muscles surpuissants parvinrent à casser la lame. Il tituba, et Gabriel lui sauta à la gorge, toujours armé du tronçon d’épée qui lui était resté entre les mains. Les deux ennemis basculèrent et tombèrent sur le sol. L’air se condensa autour du groupe, et la température chuta en une fraction de seconde, pendant laquelle, sans se préoccuper de cela, Gabriel leva les bras au dessus de la tête du Boss, les deux mains solidement serrées autour de la poignée de l’arme, dont l’arrête continuait d’être parcourue d’arcs électriques et qui pointait vers le visage du xénos.
Au moment même ou Gabriel transperçait le visage du monstre dans une gerbe de sang, deux escouades de la Deathwing se matérialisèrent à proximité et des langues de feu fusèrent autour de lui. Les lances-flammes lourds des Terminators entraient en action dans un maelström de destruction, transformant en torches un nombre incroyablement élevé de peaux-vertes. Les grésillements de la chair fondue se mêlèrent à ceux des armes à énergie que portaient les vétérans, et ils massacrèrent rapidement les boyz, qui, sûrs de leur victoire, s’étaient rassemblés pour assister à la mise à mort. La surprise de l’attaque fut totale et les orks furent annihilés avant même d’avoir réellement compris ce qu’il se passait.
Gabriel se releva et regarda autour de lui le paysage dévasté. Les carcasses fumantes des trucks orks, d’où s’échappaient de lourdes spires d’une fumée noirâtre et âcre, les restes humains ou xénos qui jonchaient le sol, les cratères, les ruines et les larges sillons des tranchées impériales, tout cela était un spectacle qui n’exprimait que mort et désolation. L’endoctrinement qu’il avait subit l’empêcha d’avoir un haut-le-cœur jusqu’à ce qu’il aperçoive ce qu’il restait des neuf Frères de son escouade. Malgré tout son entraînement, malgré son conditionnement, il ne pouvait plus guère se réjouir d’une telle destruction après avoir contemplé les cadavres équarris de ses compagnons d’armes. Une colère indescriptible lui remonta depuis les tréfonds de lui-même, une rage incroyable le prit au tripes, et, tout en serrant compulsivement le manche de ce qui avait été une épée énergétique, il fit le serment de se venger et de venger ses Frères ainsi massacrés par les peaux-vertes.
Tout à son égarement, Gabriel ne semblait plus remarquer ce qui l’entourait encore. Dans la brume de son regard, il vit une forme massive et claire se porter vers lui, sans pour autant qu’il parvienne à la distinguer tout à fait. Une voix résonna dans son casque avec un grésillement, alors que le terminator lui adressait la parole par le canal personnel.
-Je suis Frère Nathanael,de la 4ème escouade de la Première Compagnie. Est-ce que tout va bien, Frère ?
-Je suis Frère Gabriel, 3ème Escouade de la Troisième Compagnie. Blessures superficielles en cours de traitement par mon armure.
-Bien. Tous tes Frères sont morts, Gabriel, il n’y a plus rien à faire. L’Empereur peut être fier de vous, ils ne seront pas morts en vain. Tu dois à présent regagner le bord du Winged Vengeance afin de t’y faire examiner plus amplement par un Apothicaire et attendre les ordres te concernant. Ton unité ayant été anéantie, nous n’avons pas encore de quoi la reformer. Il te faudra donc t’armer de patience jusqu’à ce que Maître Belial ait pris une décision. Met ce délai à profit pour te recueillir au près du Chapelain Abraxas. C’est une dure épreuve que la tienne, et il t’aidera à la surmonter.
-Bien Frère Nathanael. Je ferais selon vos ordres.
-Attends-toi également à une distinction. Ce que vous avez fait aujourd’hui est digne des éloges du Chapitre. Nathanael, terminé.
-MFT-