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16 mars 2009 1 16 /03 /mars /2009 19:34
-Entre, novice Gabriel, entre donc.

Le sergent Naaman fit un signe de tête à l’un de ces petits êtres encapuchonnés qu’il était d’usage de désigner par le nom de « Ceux qui regardent dans les Ténèbres ». Celui-ci se tourna vers la porte et appuya sur l’un des boutons du boîtier qui la jouxtait, et fit signe à Gabriel d’approcher. Mal à l’aise, le novice s’exécuta. Le voyant du microphone vira subitement au vert et Gabriel articula d’une voix qu’il voulut la plus ferme et la plus assurée possible :

- Le novice Gabriel attend vos ordres, révéré Frère-Chapelain.

Pour toute réponse, le voyant s’éteignit mais un déclic se produisit, signe que le verrou magnétique qui scellait la porte était à présent retiré. Le petit être mystérieux s’avança alors et ses bras s’élevèrent pour écarter les doubles battants, puis s’effaça derrière l’un d’eux pour libérer le passage à Gabriel. Prenant son courage à deux mains, il s’avança d’un pas résolu à l’intérieur de l’office du vieux prêtre de la Mort qu’était le Chapelain-Investigateur Severian.

Le décor de la pièce était à la fois grandiose et sinistre. La pièce, quadrangulaire, était d’une taille modeste mais les quelques bougies qui l’éclairaient laissaient de larges espaces dans la pénombre, de sorte qu’il n’était pas évident de se faire une idée exacte de la longueur de cette dernière. Des angles, partaient quatre arcs d’ogive qui formaient une voûte gothique de haute taille, donnant à l’ensemble une certaine majesté. La clef de voûte, au centre de la croisée d’ogives, était sculptée d’une épée ailée brisée transperçant un crâne. Les encorbellements qui soutenaient les arcs étaient ornés eux aussi de crânes de pierre, que le jeu des lueurs tremblotantes des bougies semblait animer. Au fond de la pièce, un autel qu’encadraient deux cierges d’un imposant calibre était niché dans le mur. Une statue de l’Empereur et une autre du Primarque de la Légion, Lion El’Johnson, étaient installées sur un petit podium formé de quelques marches à l’intérieur de cette niche. Devant ce dernier, un coffret d’ébène était posé, aux fermoirs de nacre et dont les dorures ciselées renforçaient les arrêtes du coffret. A chaque angle, le symbole des Dark Angels était lui aussi ciselé dans l’or. Sur ce coffret reposait le casque du Chapelain, orné sur la face avant d’un crâne humain terrifiant. Gabriel comprit aussitôt que le véritable ouvrage d'art qu’était ce coffret contenait le Saint Crozius Arcanum, symbole suprême de la fonction d’un Chapelain.

Tout absorbé qu’il était par la contemplation de ce fascinant décor, Gabriel ne semblait plus appartenir à cet univers et ce fût le bruit sourd et métallique des portes que « Celui qui regarde dans les Ténèbres » referma derrière lui qui le ramena à la réalité. Aussitôt il se reprit et se mit au garde à vous devant le vénérable Astartes qui le scrutait, assis derrière son bureau.

- Voilà qui est mieux, fit ce dernier.

Gabriel ne sut dire si c’était un nouveau jeu d’ombre ou si c’était un vrai mais fugace sourire qui passa sur les lèvres de son supérieur.

Il l’observa. Le visage buriné, sombre, était couturé de multiples cicatrices. Il lui manquait une bonne partie du pavillon de l’oreille gauche. Sur son crâne, il distingua quatre petits clous d’argent qui brillaient à la lueur des bougies. Ces clous d’ancienneté représentaient autant de siècles au service du Chapitre. Severian en était un des membres parmi les plus vieux, et rares hormis les révérés Dreadnought étaient ceux qui pouvaient prétendre rivaliser avec lui.

- Approche, novice.

Gabriel fit deux pas en avant.

- Le temps de ton initiation arrive à grands pas, Novice. Cela te surprend, n’est-il pas ? Il n’est en effet certes pas d’usage de promouvoir aussi jeune un novice Frère de batailles du Chapitre. Tu n’as encore accompli que douze ans de service sur les vingt-cinq qui sont normalement fixés pour être déclaré aptes à l’initiation. Cependant, cependant … réfléchit-il, cependant le sergent instructeur Naaman ne tarit pas d’éloge sur toi, et tes états de service depuis ces douze ans sont sans commune mesure avec ceux auxquels nous ont habitués la plupart des novices depuis longtemps. Moi-même d’ailleurs, il y a de cela près de cinq siècles, n’avais, je crois, pas un dossier aussi flatteur.

L’éloge fit se gonfler d’orgueil le ventre de l’apprenti, mais il ne répondit rien, préférant ne pas briser le silence respectueux qu’il était d’usage d’observer lorsqu’un membre du clergé de l’Astartes s’adressait à vous.

- D’excellentes performances dans tous les types de combat, avec une prédilection marquée pour le combat à l’épée -ce qui est un signe manifeste de la volonté qu’expriment l’Empereur et notre Primarque quant à ta carrière au sein du Chapitre-, premier à tous les exercices théoriques et pratiques de tactique et de stratégie parmi l’ensemble de la Dixième Compagnie, et j’ai même ouï-dire que tu étais parvenu à vaincre ton éternel rival Séleucos au pancrace ce matin, ce dont je te félicite. Passons à présent ce tableau laudateur, et voyons tes qualités morales. Si j’examine ton dossier, j’y puis lire que le sergent Naaman te considère comme un excellent élément, faisant preuve de toutes les qualités requises pour devenir membre à part entière du Chapitre : de la volonté poussée jusqu’à l’obstination, de la ressource, une grande confiance en soi et tu sembles jouir d’une grande influence sur les novices de ton escouade. Il ajoute que tu as l’esprit particulièrement aiguisé et que tu assimiles très vite toutes les leçons qu’il vous enseigne. Mais as-tu la foi ?

- Frère-Chapelain, je crois indéfectiblement en la suprématie de l’Humanité sur le Xenos, L’Hérétique et le Mutant. L’Empereur notre Père nous guide à travers les Ténèbres, là où réside la guerre et le combat, pour que triomphe la race humaine et qu’elle règne comme de juste sur la Galaxie, et ce pour toujours. Je crois en notre Primarque comme en moi, il nous a transmis tout ce qu’il sait et a fait de nous ce que nous sommes, et il doit être vénéré pour un tel don de lui.

- Mais comprends-tu vraiment ce que cela signifie ?

- Je comprends qu’il n’existe pas d’autres missions qui ne soit dévolue aux Space Marines que de protéger l’Humanité de ses ennemis au péril de leur propre humanité, et que dans cette tâche, nous accomplissons la Volonté de l’Empereur. Qu’il est ainsi le guide et que quoiqu’il advienne cela procède de Lui. Je ne peux douter de ma tâche car j’ai été engendré pour apporter la mort à l’ennemi de l’Homme, ainsi qu’il en a été dès le début de la Grande Croisade, il y a de ça dix millénaires.

- C’est bien. Jusqu’à présent à mon service durant les offices tu t’es toujours montré assidu, zélé et dévoué. J’avais bien décelé que chez toi la foi est forte et que tu crois fermement à ce que tu fais. Vois-tu, il arrive parfois qu’une telle chose ne soit pas et il faut alors prendre des mesures sévères et rigoureuses, même lorsque cela exige la douleur du sacrifice. Ne t’es-tu jamais demandé qu'elles étaient ces choses ? fit-il en claquant du doigt.

Un serviteur, mi-homme, mi-machine sortit de la pénombre où il se tenait caché jusqu’à présent. Il s’avança jusqu’au Chapelain, qui lui intima l’ordre de s’avancer jusque Gabriel.

- Observe-le bien, ajouta-t-il.

Avec minutie, Gabriel détailla l’humanoïde. Il ne restait plus grand chose de proprement humain chez lui. Ses bras étaient renforcés d’éléments métalliques, des circuits intégrés étaient greffés à même la peau, de petites roues avaient remplacé les jambes, formant un train articulé et réversible. Un masque respiratoire emprisonnait le nez et la bouche du serviteur. S’étant attardé sur le visage, Gabriel tressaillit d’horreur. Devant ses yeux, il trouvait les traits mêmes du novice Baartiel, de la 4ème Escouade de Scouts. Il avait eu l’occasion de disputer contre lui un duel de tactique qui l’avait laissé exsangue malgré sa victoire. Lui aussi apparaissait comme l’un des meilleurs éléments de la Compagnie.

- Eh oui… Baartiel était prometteur mais je me suis aperçu qu’il ne croyait pas absolument en tout ce qu’il faisait durant mes offices, et que bien souvent ses prières résonnaient comme une chapelle vide et sans âme. Voilà ce qu’il advient à ceux qui n’ont pas la foi aussi solide que l’adamantine, aussi forte que le Dreadnought, aussi puissante que le bolt. Il est légitime qu’une telle vengeance soit prononcée à l’encontre de ceux qui ne respectent pas l’Empereur : ne pas croire en l’Empereur revient à ne pas croire à la Gloire et au Triomphe final de l’Humanité, et de tels individus n’ont pas le droit d’appartenir à la race humaine. Comme tu peux le voir, Baartiel n’a plus rien d’humain hormis la peau et quelques composants organiques. Sans âme, l’Humanité d’un Homme n’est plus. Comprends-tu cette leçon-ci, Novice Gabriel ?

- Que trop bien, révéré Chapelain. La vengeance de l’Empereur ne connaît ni répit ni limite, et peut prendre bien des formes, mais atteint toujours son but.

- Bien, bien, Novice, très bien même. Ta réponse est excellente et démontre combien les éloges de Naaman à ton sujet n’étaient pas volées. Comme tu l’as dit, la vengeance de l’Empereur est multi-forme et frappe quiconque s’écarte du chemin qu’Il a tracé. Elle exige parfois de nous des choses qui semblent contraires au dogme. Aussi faut-il toujours savoir que dire, que faire, et adapter aux circonstances cette vengeance sacrée. Le dogme nous enseigne que l’orgueil et le secret sont les sources de l’Hérésie. Conjugués, ces deux choses amènent la jalousie, l’hypocrisie qui conduisent au mensonge et la trahison, à la tentation et à la démesure. Saisis-tu le sens de mes paroles ?

- Oui frère-Chapelain.

- Pourtant n’est-il pas vrai que certains secrets ne doivent pas être révélés au faibles d’esprit ? N’est-il pas vrai que les horreurs issues du Warp rendraient fou n’importe quel esprit rationnel, ou le mènerait sur les sentiers multiples de la damnation en faisant miroiter à un esprit aux barrières mentales affaiblies la promesse de pouvoirs incroyables ? Aussi n’est-il pas juste de cacher certaines choses afin de protéger ceux que l’on doit aimé ? Si tu chéris l’Humanité autant que doit le faire tout vrai défenseur de l’Humanité, comprends-tu qu’il faut savoir lui cacher certaines choses ?

- Oui Frère-Chapelain.

- Bien. Comme tu peux le voir et sembles si bien le comprendre, le dogme impérial est bien plus complexe qu’il n’y paraît, et exige toujours plus de compréhension. Il est un guide mais c’est un guide à savoir interroger. Le saisis-u ?

- Oui Frère-Chapelain, prononça pour la troisième fois Gabriel.

- Qu’as-tu vu sur Ellébor ?

L’attaque était brutale et paraissait inattendue. Gabriel faillit tressaillir mais d’instinct il sut qu’il ne fallait surtout pas laisser transparaître un quelconque émoi en face d’une telle question, et posée par un tel personnage. Sa vie en dépendait, il le sentait. Néanmoins il ne put empêcher un frisson de lui parcourir l’échine l’espace d'un éclair. Ainsi, tout cet interrogatoire n’avait eu pour d’autres buts que de fixer le vieux Chapelain-Investigateur sur la question.

Gabriel ne savait pas quoi répondre. Qui était ce mystérieux personnage à l’armure noire dont il avait vu qu’il arborait la même héraldique que lui ? Pourquoi la Deathwing l’avait-elle attaqué lui et pas un autre, et puis pourquoi l’avait-elle capturé vivant ? Et surtout pourquoi avoir été téléportée aussitôt qu’elle l’eut pris, sans porter assistance en rien aux scouts qui sécurisaient avec difficulté la zone ? Evidemment cette question n’avait cessé de le tarauder et il sentait que le devoir aurait été d’en parler au moins à Naaman, sinon directement au Chapelain Severian, de qui il était apprécié. Le Chapelain était le guide des âmes et le responsable du bien-être spirituel de ses frères, aussi il eut été naturel de lui en parler, pour chasser le doute qu’avait distillé ces questions dans son esprit.

A présent qu’il en avait l’occasion et que Severian lui-même lui en intimait en réalité l’ordre, la raison apparente voulait qu’il la lui posa. Pourtant si jusqu’à présent il ne l’avait pas fait, c’était parce qu’au fond de lui Gabriel savait qu’il ne devait pas le faire. La conviction s’était lentement imposée que sa vie dépendait du fait, du simple fait, qu’il eut demandé une réponse. Et aujourd’hui que le problème demandait plus qu’une simple sensation de ce qui devait être fait, il devait procéder à un examen extrêmement rapide mais minutieux de ce qui l’avait poussé à ne pas le faire.

Pourquoi ce sentiment diffus qu’il fallait conserver ce secret ? Parce qu’il l’avait su d’instinct, c’est que sa nature elle-même l’y poussait. Aussi conséquemment, sa nature procédant des gênes même du Primarque et donc de l’Empereur en personne, il comprit que c’était d’eux que procédait ce sentiment, et qu’en obéissant à cet instinct il obéissait en fait à la volonté de ces derniers, le devoir vital de tout Astartes et de tout Dark Angel à plus forte raison. Azrael lui-même n’avait-il pas déclaré qu’en toutes choses, il fallait obéir aux préceptes du Lion ? N’avait-il pas dit qu’en cas de doutes il fallait puiser dans sa conduite, car il avait subit tout ce qu’un Dark Angel pouvait subir, il avait tout enduré et avait édicté alors des lignes de conduites ? Le nom même des Dark Angels n’était-il pas une affirmation de ce que le secret devait être gardé quoiqu’il arriva, que le secret était inhérent au service de l’Humanité ? Severian lui-même ne venait-il pas d’affirmer cette conviction que le mensonge n’est pas un mensonge mais un mal nécessaire à la survie de l’Humanité ? Indubitablement, Severian devait ici lui poser la question suprême qui clôturerait l’épreuve de cet interrogatoire, afin de savoir si le novice qu’il était avait absolument compri les leçons qu’il lui avait enseigné. Des leçons dont seule une perception absolument orthodoxe pouvait assurer le triomphe final de l’Humanité face à ses ennemis.

Ses réflexions traversèrent l’esprit de Gabriel en quelques secondes, comme si elles avaient elles aussi compris que la moindre impression d’hésitation seraient fatale au Novice qui les formulaient.

- J’ai vu la Mort faucher les Hérétiques que mes bolts désignaient, et le Courroux de l’Empereur s’abattre sur la tête des pêcheurs. J’ai vu l’œuvre de sa Vengeance s’accomplir et j’ai vu que j’en étais l’Instrument. Je l’ai vu aussi sur Cato Némodia, ainsi que sur Lamda 89-17, et sur tous les théâtres d’opération où Il m’a amené afin d’exercer pour Lui Sa justice. Je suis devenu Son bras séculier et j’ai vu ce bras séculier frapper encore, encore, et encore, sous toutes les formes possibles, jusqu’à ce que soient punis ceux qui se détournent de Sa lumière ou qui font obstacle à Sa volonté.

Severian le dévisagea alors longtemps, une, deux minutes peut être. Elles semblèrent des heures à Gabriel : sa mort ou sa vie dépendait de ce que les deux lèvres de son supérieur allaient prononcer dans quelques instants.

- C’est bien, mon garçon. Retires-toi à présent dans ta cellule, et médite profondément. Le Cercle intérieur et moi-même allons statufier sur ton cas. Va.

Le novice fit le signe de l’Aquila, se retourna et les battants de la double porte s’ouvrirent devant lui, sous la poussée de « Celui qui regarde dans les Ténèbres ». Il sortit, suivi du petit être, qui referma à nouveau la porte sur ses talons. Naaman n’était plus là.

En silence, Gabriel rabattit sa capuche sur son visage et prit la direction du quartier des novices…

-MFT-
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