13 mars 2009
5
13
/03
/mars
/2009
15:15
« Grrrmbl, décidément, c’est une manie ! » maugréa Van Trier. « Ce foutu Chapelain est doué pour trouver des coins de rendez-vous complètement impossible. Bon, certes, faut reconnaître que dans le genre improbable, on fait pas mieux, et que c’est tout de même pas ici qu’on viendra nous déranger. Et d’ailleurs, c’est peut être pas plus mal ainsi » ajouta-t-il en frissonnant.
Il pénétrait à présent dans les couloirs d’une ancienne station d’épuration, désaffectée en raison d’une activité sismique trop dangereuse pour la pérennité des installations. C’était là le nouveau point de rendez-vous que lui avait fixé le Chapelain Severian.
« Tout de même, pour l’odeur, je préfère encore les hangars de l’autre fois. »
Il déboucha dans une vaste salle encombrée de débris en tous genres. De gigantesques bassins se dressaient dans le noir, et le rayon de lumière que projetait sa torche électrique ne parvenait guère à percer très loin son chemin dans cet encombrement. Au bout de dix minutes, il s’était tellement enfoncé dans ce véritable dédale qu’il se demanda s’il réussirait à faire le chemin inverse sans encombre. Un léger tintement de chaînes le fit sursauter. Il se retourna vif comme l’éclair, balayant les alentours de sa lampe. Sa main saisit la crosse de son pistolet laser.
« Je suis trop nerveux, se raisonna-t-il, un courant d’air et je m’affole comme une vierge. »
Cependant, s’il se remit en quête du point de rendez-vous, ce fût avec une anxiété croissante qu’il le chercha. Le Chapelain lui avait dit qu’il se trouvait une cuve dont un pan s’était effondré et qu’il l’attendrait là. Obligé de faire le tour de chaque cuve, Van Trier y perdait un temps fou et tout cela avait le don de l’énerver au plus haut point.
Soudain un bruit se fit entendre depuis la cuve sur sa gauche. Il dirigea dans cette direction le faisceau de sa torche et ne voyant rien, il fut pris d’un doute.
-Est-ce vous mon Seigneur ? appela-t-il
Pour toute réponse un éclair troua l’obscurité et la détonation déchira les tympans de Van Trier. Le projectile alla exploser sur un monceau de débris derrière lequel le contrebandier –réflexe suprême- avait plongé en flairant le piège.
« Pistolet bolter ! Il faut absolument que je sorte de là. »
Il éteignit sa torche, la rangea dans sa poche et rampa discrètement jusque sous une large tôle ondulée. Elle ne lui offrait qu’un abri précaire mais elle lui suffirait le temps qu’il fasse le point sur sa situation.
« De toute évidence le combat est inégal. Je ne sais pas si l’ennemi a les moyens de me voir dans le noir, je ne sais pas combien ils sont, mais ce qui est sûr c’est qu’ils sont dotés de pisto bolter, et ça c’est le pire. Par l’Enfer je n’ai pas été suivi, c’est donc Severian qui veut me supprimer ? Mais qu’est-ce que je lui ai fait ?? »
Il avisa un rayon de lune qui parvenait à peine à percer les nuages. Il passait par un éboulement du mur à l’étage supérieur.
« Voyons si je parviens à atteindre cet étage je suis sauvé. Le problème c’est que le seul accès est de l’autre côté de cette salle, et sans lumière jamais je n’y parviendrais. Sans compter les autres… quant à grimper, une chaîne ferait trop de bruit. Et je n’ai pas de cordes ! Tant pis tentons le tout pour le tout, il faut que je sorte d’ici. Si je longe le mur, je pourrais peut être parvenir à ne pas être remarqué. »
Avec prudence, il émergea de sous sa plaque de tôle. Il reprit ses reptations en entreprenant de se confondre au maximum avec les débris qu’il longeait. Au bout de vingt minutes, il avait enfin atteint le mur. Il se préparait à se relever quand il perçut à nouveau un bruit, sur sa droite cette fois. Il s’avança jusque sous une antique échelle de métal, qui menait à une cuve. Toujours allongé, il distingua une forme humaine qui semblait chercher avec méthode tout autour de lui.
« S’il me trouve, je suis mort ».
Plus l’homme avançait, plus il pouvait le détailler, et il s’aperçut –ô combien avec bonheur- que ce dernier ne portait pas d’armure. Mais dans cinq minutes, il serait sur lui, et là… Il n’osait pas dégainer son pistolet laser, le tir aurait ameuté le reste de la bande –il était indubitable que l’homme n’était pas seul-. Van Trier dégagea son couteau de sa gaine, à l’intérieur de sa botte. C’était son plus fidèle allié en cas de coup dur et il allait probablement lui filer un nouveau coup de main appréciable.
L’homme s’était à nouveau approché, il n’était plus qu’à un mètre de lui, et fouillait le noir du côté opposé au contrebandier. Ce dernier n’hésita pas. Empoignant un caillou, il le lança avec force derrière l’adversaire. Le bruit attira inévitablement son attention, et cette seconde lui fut fatale. Van Trier surgit de sa cachette, bâillonna de la main gauche l’ennemi et l’égorgea aussitôt sans pitié. Le râle de l’homme fut à peine perceptible. Une fois, deux fois, Van Trier frappa au cœur, puis il étendit le cadavre au sol avec douceur, afin de ne pas faire le moindre bruit.
« Et maintenant camarade, voyons voir la gueule que tu as ! »
Il traîna le corps dans un rayon de lune et retint avec peine un haut-le-coeur. Il venait de tuer son meilleur lieutenant.
« Damned ça se corse. Si même mes gars sont contre moi, me voilà mal barré. Ceci explique pourquoi je n’étais pas seul, mais ça n’explique pas pour qui ils travaillaient. Pour eux, pour les rebelles ou pour les Dark Angels ?»
Il mit son ancien bras droit à l’abri des regards et commença à le fouiller. Dans une des poches il mit la main sur une solide liasse de billets. « Des crédits d’Ana-Purna III, du futur gouvernement provisoire. De la monnaie de singe… Mais ça veut dire deux choses : 1_que ce sont les rebelles qui se méfiaient de moi, et 2_que le soulèvement est bien plus proche que je ne le pensais, si l’on veut me supprimer et que l’on paye mes assassins avec une monnaie qui n’a pas encore cour. » Il récupéra le pistolet bolter du mort, et coup de chance inouïe, une corde munie d’un grappin court, mais extrêmement solide.
Avec ce nouvel atout, il avait une chance supplémentaire de s’en tirer. Les cuves étaient si hautes qu’elles couvraient presque toute la vue sur la balustrade du premier étage, si l’on regardait depuis le sol. De sorte qu’il n’y aurait qu’un moment critique, et très court, où l’on pourrait le surprendre. Il reprit sa progression vers la faille qu’il avait aperçu, et une fois arrivé d’aplomb sous elle, vérifia que personne ne pouvait le surprendre durant son ascension. Un cri s’éleva quelque part entre les cuves. On venait de découvrir le cadavre. Aussitôt un tumulte se fit entendre.
« C’est inespéré ! Vite allons-y ! »
Il lança son grappin qui s’accrocha avec un petit tintement au plancher de treillis métallique. Van Trier se prit à prier pour que la ruine supporta son poids…
Il tira légèrement pour assurer sa prise, puis d’une traction des bras, il s’arracha du sol. Jamais il n’avait grimpé aussi vite. Après quelques instants dans les airs, il aborda le moment crucial ou il allait devoir émerger de la protection des cuves. Il devait faire vite et il le savait, mais la chance (ou l’Empereur, se surprit-il à penser à nouveau) devait clairement le favoriser à présent : l’espace entre le plancher et la plus basse des barres métalliques qui composaient la balustrade était suffisant pour qu’il puisse rouler par dessous, ce qui réduisait encore les chances d’être aperçu.
« Plus qu’un dernier effort et je les plante ! »
Une dernière traction et il posa enfin la main sur le métal du treillis, lorsqu’une détonation assourdissante claqua et tout son dos explosa à l’impact du bolt explosif. Avec un horrible hurlement il lâcha prise et s’écrasa au sol. Il mourut avant même de le toucher, sa vie s’exfiltrant par le trou béant qui avait remplacé sa cage thoracique.
Le cri résonna à travers toute la salle, rebondissant sur les cuves, courant le long des murs, ricochant contre les poutrelles métalliques. Au dehors, le Chapelain Severian ne manqua pas de l’entendre.
« Holà ! Mais c’est qu’on s’entretue là-dedans ! »
Il saisit son pistolet bolter fermement dans sa main gauche, retira la sécurité de l’arme, et enclencha le champ énergétique de son Crozius Arcanum. Il se précipita contre le mur extérieur de la grande salle d’où était parvenu le son, et l’enfonça d’un coup d’épaule. Le grondement de l’éboulement provoqua des cris de stupeur à l’intérieur.
Severian bascula son casque en mode de vision nocturne maximale, et entreprit de se frayer un passage à travers les cuves en les démolissant toutes. Il émergea soudain au centre d’une cuve devant deux humains apeurés. Ils levèrent vers lui leurs pistolets bolter mais il les abattit tous deux d’une rafale courte avant qu’ils ne puissent appuyés sur la gâchette. Quelqu’un cria « On se replie ! » dans une direction qui semblait être droit devant lui. Severian reprit sa course à travers les parois.
Lorsqu’il parvint au mur d’en face il découvrit le corps déchiqueté de Van Trier, à terre. L’ennemi qui l’avait abattu n’avait pas eu le temps de lui faire les poches avec toute cette pagaille. Severian se pencha sur le cadavre. Il trouva à son tour la liasse de billets, et demeura perplexe. Que pouvait-elle signifier ? Il inspecta la blessure et retira quelques éclats de bolts. Il les rangea dans une de ses sacoches, en se disant que cela pouvait être utile. Puis il regagna la cuve où il avait tué deux des adversaires de Van Trier. A leur tour, il leur fit les poches, et trouva à nouveau les billets, de cette monnaie inconnue qui n’avait pas cour. Comment se faisait-il qu’il puisse trouver ces liasses dans les poches d’adversaires mutuels. Une tentative de coup de force au sein de la bande de Van Trier ? Pourquoi pas, le milieu de la contrebande est tellement instable !
Par hasard il découvrit non loin le lieutenant que Van Trier avait égorgé. Severian comprit que c’était l’Empereur qui avait guidé ses pas. Il avait remarqué le couteau ensanglanté que son informateur avait passé dans sa ceinture, et les blessures du mort étendu devant lui indiquait que c’était l’homme dont le sang se trouvait sur la lame.
« Voyons si je fouille cet homme, peut être y trouverais-je quelque chose ? »
Paradoxalement il n’y trouva rien, mais cela ne le surprit pas.
« Voilà comment on peut se représenter les choses : Van Trier tombe dans un guet-apen, tue ce bonhomme et garde comme preuve l’argent que ce dernier avait reçu pour l’assassiner, et que j’ai trouvé en sommes moins importantes sur les deux autres, ce qui indique un lien de hiérarchie. Alors qu’il allait réussir à s’en sortir, Van Trier se fait à son tour tuer. Je surviens et tout le monde s’enfuit. Mais pourquoi cette monnaie qui ne ressemble à aucune en vigueur dans l’Imperium ? S’il s’agissait d’un putsch, il est probable que les crédits auraient été Impériaux, ou au moins reconnu par l’Imperium. Or il n’en est rien. Cela voudrait dire que le coup a été téléguidé par quelqu’un d’autre. Pourquoi assassiner l’homme qui vous fournit votre matériel alors que vous en avez besoin ? Parce que justement vous n’en avez plus besoin, et que vous avez bien l’intention de récupérer ses bénéfices. Cela prouve que la rébellion approche et cette monnaie de singe est une preuve de plus puisqu’elle montre qu’ils ont foi en leur victoire prochaine. Damnation ! Je n’ai même pas le nom de l’endroit où se trouve leur quartier général, ni même celui des traîtres au sein du gouvernement que Van Trier me promettait pour ce soir. »
Avec hâte, le vieux Chapelain défonça le dernier mur et s’enfonça dans la nuit, afin de rejoindre Gabriel et la 3ème Compagnie en orbite, dissimulés aux scanners par la masse de la cinquième planète du système d’Ana-Purna.
-MFT-
Il pénétrait à présent dans les couloirs d’une ancienne station d’épuration, désaffectée en raison d’une activité sismique trop dangereuse pour la pérennité des installations. C’était là le nouveau point de rendez-vous que lui avait fixé le Chapelain Severian.
« Tout de même, pour l’odeur, je préfère encore les hangars de l’autre fois. »
Il déboucha dans une vaste salle encombrée de débris en tous genres. De gigantesques bassins se dressaient dans le noir, et le rayon de lumière que projetait sa torche électrique ne parvenait guère à percer très loin son chemin dans cet encombrement. Au bout de dix minutes, il s’était tellement enfoncé dans ce véritable dédale qu’il se demanda s’il réussirait à faire le chemin inverse sans encombre. Un léger tintement de chaînes le fit sursauter. Il se retourna vif comme l’éclair, balayant les alentours de sa lampe. Sa main saisit la crosse de son pistolet laser.
« Je suis trop nerveux, se raisonna-t-il, un courant d’air et je m’affole comme une vierge. »
Cependant, s’il se remit en quête du point de rendez-vous, ce fût avec une anxiété croissante qu’il le chercha. Le Chapelain lui avait dit qu’il se trouvait une cuve dont un pan s’était effondré et qu’il l’attendrait là. Obligé de faire le tour de chaque cuve, Van Trier y perdait un temps fou et tout cela avait le don de l’énerver au plus haut point.
Soudain un bruit se fit entendre depuis la cuve sur sa gauche. Il dirigea dans cette direction le faisceau de sa torche et ne voyant rien, il fut pris d’un doute.
-Est-ce vous mon Seigneur ? appela-t-il
Pour toute réponse un éclair troua l’obscurité et la détonation déchira les tympans de Van Trier. Le projectile alla exploser sur un monceau de débris derrière lequel le contrebandier –réflexe suprême- avait plongé en flairant le piège.
« Pistolet bolter ! Il faut absolument que je sorte de là. »
Il éteignit sa torche, la rangea dans sa poche et rampa discrètement jusque sous une large tôle ondulée. Elle ne lui offrait qu’un abri précaire mais elle lui suffirait le temps qu’il fasse le point sur sa situation.
« De toute évidence le combat est inégal. Je ne sais pas si l’ennemi a les moyens de me voir dans le noir, je ne sais pas combien ils sont, mais ce qui est sûr c’est qu’ils sont dotés de pisto bolter, et ça c’est le pire. Par l’Enfer je n’ai pas été suivi, c’est donc Severian qui veut me supprimer ? Mais qu’est-ce que je lui ai fait ?? »
Il avisa un rayon de lune qui parvenait à peine à percer les nuages. Il passait par un éboulement du mur à l’étage supérieur.
« Voyons si je parviens à atteindre cet étage je suis sauvé. Le problème c’est que le seul accès est de l’autre côté de cette salle, et sans lumière jamais je n’y parviendrais. Sans compter les autres… quant à grimper, une chaîne ferait trop de bruit. Et je n’ai pas de cordes ! Tant pis tentons le tout pour le tout, il faut que je sorte d’ici. Si je longe le mur, je pourrais peut être parvenir à ne pas être remarqué. »
Avec prudence, il émergea de sous sa plaque de tôle. Il reprit ses reptations en entreprenant de se confondre au maximum avec les débris qu’il longeait. Au bout de vingt minutes, il avait enfin atteint le mur. Il se préparait à se relever quand il perçut à nouveau un bruit, sur sa droite cette fois. Il s’avança jusque sous une antique échelle de métal, qui menait à une cuve. Toujours allongé, il distingua une forme humaine qui semblait chercher avec méthode tout autour de lui.
« S’il me trouve, je suis mort ».
Plus l’homme avançait, plus il pouvait le détailler, et il s’aperçut –ô combien avec bonheur- que ce dernier ne portait pas d’armure. Mais dans cinq minutes, il serait sur lui, et là… Il n’osait pas dégainer son pistolet laser, le tir aurait ameuté le reste de la bande –il était indubitable que l’homme n’était pas seul-. Van Trier dégagea son couteau de sa gaine, à l’intérieur de sa botte. C’était son plus fidèle allié en cas de coup dur et il allait probablement lui filer un nouveau coup de main appréciable.
L’homme s’était à nouveau approché, il n’était plus qu’à un mètre de lui, et fouillait le noir du côté opposé au contrebandier. Ce dernier n’hésita pas. Empoignant un caillou, il le lança avec force derrière l’adversaire. Le bruit attira inévitablement son attention, et cette seconde lui fut fatale. Van Trier surgit de sa cachette, bâillonna de la main gauche l’ennemi et l’égorgea aussitôt sans pitié. Le râle de l’homme fut à peine perceptible. Une fois, deux fois, Van Trier frappa au cœur, puis il étendit le cadavre au sol avec douceur, afin de ne pas faire le moindre bruit.
« Et maintenant camarade, voyons voir la gueule que tu as ! »
Il traîna le corps dans un rayon de lune et retint avec peine un haut-le-coeur. Il venait de tuer son meilleur lieutenant.
« Damned ça se corse. Si même mes gars sont contre moi, me voilà mal barré. Ceci explique pourquoi je n’étais pas seul, mais ça n’explique pas pour qui ils travaillaient. Pour eux, pour les rebelles ou pour les Dark Angels ?»
Il mit son ancien bras droit à l’abri des regards et commença à le fouiller. Dans une des poches il mit la main sur une solide liasse de billets. « Des crédits d’Ana-Purna III, du futur gouvernement provisoire. De la monnaie de singe… Mais ça veut dire deux choses : 1_que ce sont les rebelles qui se méfiaient de moi, et 2_que le soulèvement est bien plus proche que je ne le pensais, si l’on veut me supprimer et que l’on paye mes assassins avec une monnaie qui n’a pas encore cour. » Il récupéra le pistolet bolter du mort, et coup de chance inouïe, une corde munie d’un grappin court, mais extrêmement solide.
Avec ce nouvel atout, il avait une chance supplémentaire de s’en tirer. Les cuves étaient si hautes qu’elles couvraient presque toute la vue sur la balustrade du premier étage, si l’on regardait depuis le sol. De sorte qu’il n’y aurait qu’un moment critique, et très court, où l’on pourrait le surprendre. Il reprit sa progression vers la faille qu’il avait aperçu, et une fois arrivé d’aplomb sous elle, vérifia que personne ne pouvait le surprendre durant son ascension. Un cri s’éleva quelque part entre les cuves. On venait de découvrir le cadavre. Aussitôt un tumulte se fit entendre.
« C’est inespéré ! Vite allons-y ! »
Il lança son grappin qui s’accrocha avec un petit tintement au plancher de treillis métallique. Van Trier se prit à prier pour que la ruine supporta son poids…
Il tira légèrement pour assurer sa prise, puis d’une traction des bras, il s’arracha du sol. Jamais il n’avait grimpé aussi vite. Après quelques instants dans les airs, il aborda le moment crucial ou il allait devoir émerger de la protection des cuves. Il devait faire vite et il le savait, mais la chance (ou l’Empereur, se surprit-il à penser à nouveau) devait clairement le favoriser à présent : l’espace entre le plancher et la plus basse des barres métalliques qui composaient la balustrade était suffisant pour qu’il puisse rouler par dessous, ce qui réduisait encore les chances d’être aperçu.
« Plus qu’un dernier effort et je les plante ! »
Une dernière traction et il posa enfin la main sur le métal du treillis, lorsqu’une détonation assourdissante claqua et tout son dos explosa à l’impact du bolt explosif. Avec un horrible hurlement il lâcha prise et s’écrasa au sol. Il mourut avant même de le toucher, sa vie s’exfiltrant par le trou béant qui avait remplacé sa cage thoracique.
Le cri résonna à travers toute la salle, rebondissant sur les cuves, courant le long des murs, ricochant contre les poutrelles métalliques. Au dehors, le Chapelain Severian ne manqua pas de l’entendre.
« Holà ! Mais c’est qu’on s’entretue là-dedans ! »
Il saisit son pistolet bolter fermement dans sa main gauche, retira la sécurité de l’arme, et enclencha le champ énergétique de son Crozius Arcanum. Il se précipita contre le mur extérieur de la grande salle d’où était parvenu le son, et l’enfonça d’un coup d’épaule. Le grondement de l’éboulement provoqua des cris de stupeur à l’intérieur.
Severian bascula son casque en mode de vision nocturne maximale, et entreprit de se frayer un passage à travers les cuves en les démolissant toutes. Il émergea soudain au centre d’une cuve devant deux humains apeurés. Ils levèrent vers lui leurs pistolets bolter mais il les abattit tous deux d’une rafale courte avant qu’ils ne puissent appuyés sur la gâchette. Quelqu’un cria « On se replie ! » dans une direction qui semblait être droit devant lui. Severian reprit sa course à travers les parois.
Lorsqu’il parvint au mur d’en face il découvrit le corps déchiqueté de Van Trier, à terre. L’ennemi qui l’avait abattu n’avait pas eu le temps de lui faire les poches avec toute cette pagaille. Severian se pencha sur le cadavre. Il trouva à son tour la liasse de billets, et demeura perplexe. Que pouvait-elle signifier ? Il inspecta la blessure et retira quelques éclats de bolts. Il les rangea dans une de ses sacoches, en se disant que cela pouvait être utile. Puis il regagna la cuve où il avait tué deux des adversaires de Van Trier. A leur tour, il leur fit les poches, et trouva à nouveau les billets, de cette monnaie inconnue qui n’avait pas cour. Comment se faisait-il qu’il puisse trouver ces liasses dans les poches d’adversaires mutuels. Une tentative de coup de force au sein de la bande de Van Trier ? Pourquoi pas, le milieu de la contrebande est tellement instable !
Par hasard il découvrit non loin le lieutenant que Van Trier avait égorgé. Severian comprit que c’était l’Empereur qui avait guidé ses pas. Il avait remarqué le couteau ensanglanté que son informateur avait passé dans sa ceinture, et les blessures du mort étendu devant lui indiquait que c’était l’homme dont le sang se trouvait sur la lame.
« Voyons si je fouille cet homme, peut être y trouverais-je quelque chose ? »
Paradoxalement il n’y trouva rien, mais cela ne le surprit pas.
« Voilà comment on peut se représenter les choses : Van Trier tombe dans un guet-apen, tue ce bonhomme et garde comme preuve l’argent que ce dernier avait reçu pour l’assassiner, et que j’ai trouvé en sommes moins importantes sur les deux autres, ce qui indique un lien de hiérarchie. Alors qu’il allait réussir à s’en sortir, Van Trier se fait à son tour tuer. Je surviens et tout le monde s’enfuit. Mais pourquoi cette monnaie qui ne ressemble à aucune en vigueur dans l’Imperium ? S’il s’agissait d’un putsch, il est probable que les crédits auraient été Impériaux, ou au moins reconnu par l’Imperium. Or il n’en est rien. Cela voudrait dire que le coup a été téléguidé par quelqu’un d’autre. Pourquoi assassiner l’homme qui vous fournit votre matériel alors que vous en avez besoin ? Parce que justement vous n’en avez plus besoin, et que vous avez bien l’intention de récupérer ses bénéfices. Cela prouve que la rébellion approche et cette monnaie de singe est une preuve de plus puisqu’elle montre qu’ils ont foi en leur victoire prochaine. Damnation ! Je n’ai même pas le nom de l’endroit où se trouve leur quartier général, ni même celui des traîtres au sein du gouvernement que Van Trier me promettait pour ce soir. »
Avec hâte, le vieux Chapelain défonça le dernier mur et s’enfonça dans la nuit, afin de rejoindre Gabriel et la 3ème Compagnie en orbite, dissimulés aux scanners par la masse de la cinquième planète du système d’Ana-Purna.
-MFT-