« Je sollicite une audience !
-Monsieur, le capitaine est en réunion tactique avec … »
Le planton de la garde n’eut pas le temps finir sa phrase. Martinien le poussa simplement de coté comme s’il s’agissait d’une porte coulissante et entra.
« Pardonnez mon intrusion, frère, mes seigneurs. J’ai conscience de l’aspect peu protocolaire et irrespectueux de ma démarche mais j’insiste pour pouvoir vous parler avant… notre prochaine action. »
Son officier regarda le vétéran, impassible. Il fit un signe aux autres membres de la réunion.
« De toutes façons, nous avions fini. » Dit-il, d’un ton sans appel.
Le colonel Jung, le gouverneur planétaire, le représentant du clergé de Mars, la mère supérieure de l’Ordo Hereticus local et l’inquisiteur Terdre laissèrent le capitaine Dark-Angel quitter la salle, passablement interloqués.
« Je vous écoute frère.
-Est-ce vrai ? A-t-il été décidé de sacrifier entièrement la cité d’Axia ?! »
Barnard fixa sans sourciller Martinien.
« Oui.
-Et vous avez approuvé ?
-Les deux Ordos et les politiques ont voté pour. Le colonel et moi-même étions contre. Cela dit… »
Il fit une pause.
« Cela dit, je comprends leur choix. C’est malheureux mais c’est mathématique. Il est plus logique de sacrifier Axia plutôt que de prendre le risque que Praxius n’arrive à ses fins. Avec le colonel, nous voulions tenter une ultime opération afin éviter cette extrémité. Malgré tout, ils ont préféré la facilité et la prudence.»
Le capitaine expliqua alors comment les enquêteurs de l’inquisition avaient retrouvé la trace du « Fléau des infidèles » dans les sous-secteurs de la cité ruche d’Axia. Secrètement, ces derniers effectuaient des travaux dans les profondeurs des sous-sols. La cité avait été construite sur les anciennes ruines d’une ville datant du moyen-âge technologique. Apparemment, il y avait, enfoui sur place, des mécanismes antiques de contrôle Warp que les terra-formateurs impériaux n’avaient pas repérés à l’époque. D’une manière que le capitaine Barnard supposait peu avouable, l’Ordo Malleus découvrit l’objet de la présence du « maitre des châtiments » sur cette planète. Il s’agissait de l’aboutissement d’une longue quête démoniaque durant laquelle Praxius avait établit sur huit mondes, des agencements et des constructions impies. Suivant une configuration complexe et des rituels effroyables, le maître du chapitre renégat prévoyait de sacrifier en même temps les huit cités ruches rattachées aux planètes pour le dieu du sang. On ne savait pas vraiment quel était l’effet escompté mais on ne tenait pas vraiment à le savoir non plus. Devant l’ampleur du projet, Martinien resta tout d’abord incrédule. Malgré ses années de services où il avait déjà fait face au chaos à maintes reprises, il ne concevait une telle réalisation. Huit planètes en même temps ? Comment avaient-ils obtenus autant d’informations et de certitudes alors qu’il n’y avait pas si longtemps, ils ne comprenaient rien à rien ! Il protesta, discuta mais dut se rendre aux arguments de son supérieur. Son âme refusait d’accepter cette décision mais sa raison convint de s’y soumettre arrache-cœur. Il n’arrivait pas à prendre ce choix en défaut mais il était brisé.
« Je suis surpris, frère, que vous vous soyez à ce point attaché à ces civils. Cela peut-être préjudiciable pour le chapitre si vous vous montrez trop « sensible ». Vu votre expérience et vos faits d’armes, je vous ai écouté mais une telle attitude doit être révisée. Vous ferez une semaine de pénitence auprès de notre vénérable chapelain après le conflit. »
A une autre époque, Martinien aurait pu s’offenser de telles paroles même de la part de son capitaine mais il ne dit mot.
« Je vais donner les ordres pour que notre navire rase la cité à partir de l’orbite basse d’Adelphe III. Nous avons les codes de désactivation des boucliers d’Axia. Ce sera rapide… pour tout le monde.
Vous allez vous préparer pour un assaut sur Flavia et je veux que cette campagne se termine sous sept jours par l’éradication du « Fléau des infidèles ». Ils paieront pour cette infamie. »
Martinien n’écoutait qu’à moitié. Il avait échoué dans sa mission. Il n’avait pu protéger l’humanité car il n’avait pu la protéger elle. Mais son hypocrisie n’irait pas jusqu’à la fuite.
« Permettez-moi de rejoindre notre barge de bataille pour y faire appliquer ces ordres. »
Le frère capitaine Barnard regarda son vétéran un instant, tout de même un peu surpris.
« Très bien Martinien. Sans doute est-ce mieux et nécessaire pour vous affranchir de vos démons. Vous avez vos ordres. Pour le Lion. »
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Sur le pont de la barge de bataille « La colère du Juste », on pouvait voir une petite planète colorée de vert, de brun et de bleu. Quelques bouts de cotons blancs parsemaient la surface d’Adelphe III. Le commandant de bord, le frère Némiel, veillait au bon déroulement de la mise en orbite. La cible était un petit point noir que Martinien distinguait maintenant depuis dix minutes. Un serviteur encastré dans la structure du vaisseau bougea quand une lumière verte apparut sur une plaque de runes finement ciselées.
« Nous sommes en position, commandant. » Dit une voix monocorde.
Le frère Némiel finit d’écrire à la plume quelque rapport sur un livre relié de cuir. Il se redressa sur son trône de contrôle. Les câbles et les vérins qui l’y liaient grincèrent doucement.
« Conformément à l’ordre reçu par le conseil militaire planétaire d’Adelphe III et validé par le sceau de l’Ordo Malleus, je m’apprête à exécuter le bombardement nucléaire de la cité ruche d’Axia. Code Imperium Lux. A mon commandement et après la seconde validation du frère officier Martinien… »
Ce dernier regardait toujours fixement le petit point noir.
« Frère ? »
Les ignorants sont bénis.
« Martinien, vétéran de la 4ème compagnie du chapitre des Dark-Angels, je confirme l’ordre de bombardement d’Axia.
-Artilleurs, feu à volonté. »
L’équipage exécuta l’ordre et des bruits de machineries se répandirent dans les entrailles du navire. Bientôt cinq sillons blancs se dirigèrent vers la surface. Pendant d’interminables minutes, les projectiles foncèrent à travers l’atmosphère. Martinien observa des points de lumière apparaitre durant quelques secondes. Enfin, il n’y eut plus rien. On ne voyait plus que des volutes grises à l’endroit où se dressait encore quelques minutes auparavant une ville impériale.
« Empereur, ayez pitié. »
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Linual